Analyse : en Chine aussi, les émeutes ont un prix
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 1 juillet 2011 Lecture : 1 minute.
Comme Mohamed Bouazizi, le marchand ambulant dont le suicide est à l’origine du « printemps arabe », Wang Lianmei, petite vendeuse de rue de 20 ans, enceinte, a été brutalisée par la police locale d’une bourgade de la province chinoise du Guangdong, le 10 juin. Comme à Sidi Bouzid le 17 décembre, une émeute a suivi l’agression. Les troubles se sont étendus à la ville de Zengcheng, où le couvre-feu a été instauré pendant plusieurs jours.
Mais la colère qu’expriment les émeutiers chinois est d’un autre ordre et aura d’autres conséquences qu’en Tunisie. Ces « indignés » sont des travailleurs immigrés de l’intérieur, venus des zones rurales pauvres. Ils en ont assez de coudre des jeans dix heures par jour et sept jours sur sept, assez d’être intoxiqués par les métaux qu’ils usinent, assez de coucher et de manger dans l’atelier qui les emploie, assez d’être méprisés.
Pékin redoute ces troubles sociaux, dont le nombre serait de plusieurs milliers chaque année. L’an dernier, les autorités ont lâché du lest dans certaines zones sensibles. Et depuis le début de 2011, le salaire minimum a été relevé de 10 % à 30 % selon les régions, atteignant à Pékin 1 160 yuans par mois, soit environ 132 euros. Le problème est que, malgré les tours de vis monétaires et le blocage des prix, l’inflation annuelle galopait à 5,5 % en mai, loin de l’objectif de 4 % fixé par le gouvernement. L’immobilier devient hors de portée des bourses modestes dans les villes, et le coût de l’alimentation y progresse de 30 % à 50 % par an.
Avantagé jusqu’à présent par sa main-d’œuvre low cost et son code du travail light, l’empire du Milieu va devoir dépenser plus pour améliorer la vie de ses travailleurs. Cela aura un prix qui renchérira les produits made in China. Pour le reste du monde et pour l’Afrique en particulier, ces troubles sociaux – certes maîtrisés – laissent à penser que la terrible concurrence chinoise en matière d’exportations devrait se modérer dans les prochaines années. Il était temps !
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