Italie : Berlusconi, plus dure sera la chute
Deux défaites électorales coup sur coup pour Berlusconi, trois procès mal engagés, des affidés qui paniquent, des alliés qui menacent de rompre et tentent de lui imposer leurs conditions… Les nuages s’accumulent au-dessus de la tête du Cavaliere.
Après les deux revers cinglants qu’il vient d’essuyer, d’abord lors des élections municipales (15-29 mai) à Milan, Naples et ailleurs, puis lors du référendum du 12 juin, Silvio Berlusconi est dans ses petits souliers. Le rejet par les Italiens du nucléaire et de la libéralisation de la gestion de l’eau ? Secondaire à ses yeux. Non, ce qui l’inquiète au premier chef, c’est la perte de son « parapluie judiciaire », qui, jusqu’à présent, lui permettait de ne pas se présenter devant les juges, alors qu’il est poursuivi pour prostitution de mineure et corruption présumées. Tous les hommes étant désormais égaux devant la loi, Berlusconi ne pourra plus invoquer les obligations liées à ses fonctions de président du Conseil pour échapper aux audiences. Toutes griffes dehors, les magistrats le poursuivent dans trois affaires.
D’abord, le dossier Mondadori. Le verdict est imminent et risque de coûter très cher au Cavaliere : 750 millions d’euros. Tout commence en 1987 avec le décès de l’éditeur Mario Formenton. C’est le début d’une guerre sans merci entre les deux actionnaires minoritaires de la maison d’édition : Berlusconi et l’entrepreneur Carlo De Benedetti. Un an plus tard, De Benedetti, qui avait mené à bien la fusion entre Mondadori et le groupe de presse L’Espresso, prend le contrôle des deux sociétés après la signature d’un accord avec les héritiers du défunt. Mais en 1989, coup de théâtre : Berlusconi s’empare de la présidence du groupe après avoir convaincu la veuve de Formenton de lui vendre ses actions.
L’affaire finit devant les tribunaux, et Berlusconi obtient, dans un premier temps, gain de cause. Mais en appel il est reconnu coupable d’avoir acheté un juge. Le verdict final sera rendu le 23 juin, et le président du Conseil est dans les transes. Il se voit déjà contraint de quémander auprès des banques de quoi indemniser son adversaire. « Si je suis condamné, je ne sais pas comment je vais faire pour payer », a-t-il récemment confié à des proches. Tout sourire, ses adversaires lui conseillent de réfléchir également à sa reconversion dans l’hypothèse où, la veille, les députés refuseraient de voter la confiance à son gouvernement.
Surfacturations et pots-de-vin
Autre gros souci : l’affaire Mediatrade. Cette fois, Berlusconi est accusé de fraude fiscale et d’abus de confiance. Lors du rachat par Mediatrade-RTI (l’une des planètes de Mediaset, sa galaxie télévisuelle) de droits télévisés à des majors américaines, il y aurait eu, selon l’accusation, surfacturation et constitution d’une caisse noire.
Par ailleurs, Berlusconi doit répondre d’une accusation de versement de pots-de-vin à son ancien avocat d’affaires, le Britannique David Mills. Spécialiste des sociétés-écrans installées dans des paradis fiscaux, ce dernier a déjà été condamné pour avoir reçu 600 000 dollars en échange de faux témoignages dans deux procès impliquant la Fininvest, le holding berlusconien, à la fin des années 1990. Grâce à son « parapluie judiciaire » – que les Italiens viennent de lui confisquer –, le président du Conseil avait pour sa part, en octobre 2008, bénéficié d’un sursis. Mais un an plus tard, cette immunité pénale avait été partiellement invalidée par la Cour de cassation.
Reste la pièce de choix : le procès pour prostitution présumée de mineure dans l’« affaire Ruby », cette jeune Marocaine (son vrai nom est Karima el-Mahroug) que le président du Conseil aurait, selon l’accusation, mise dans son lit et dûment rémunérée alors qu’elle n’avait pas encore 18 ans. Les récentes déclarations d’Ilda Boccassini au nom du ministère public – elle a produit un certain nombre de preuves à charge – ont de quoi inquiéter l’illustre accusé. Elles réduisent en tout cas sa marge de manœuvre.
Sous les décombres
Pour prendre de vitesse ses accusateurs, Berlusconi s’efforce à présent de faire approuver le principe d’un « procès bref », stratagème qui lui permettrait de faire jouer la prescription – ce qu’il n’avait jusqu’ici pas réussi à faire, en raison de l’opposition des magistrats. Après son échec au référendum, il n’a plus d’autre choix que de saisir au plus tôt le Parlement… Tout dépendra donc du rapport de force politique. Or, après deux grosses claques électorales coup sur coup, la droite est en ébullition. Pour éviter une catastrophe plus grave, les lieutenants du Cavaliere évoquent désormais, en coulisse, la nécessité de lui trouver rapidement un successeur. Pour sa part, la Ligue du Nord, son dernier allié, redoute d’être ensevelie sous les décombres du berlusconisme.
Du coup, elle a lancé un véritable ultimatum au président du Conseil. Sous peine de rupture de la coalition au pouvoir, elle l’exhorte à prendre avant le 22 juin un certain nombre d’engagements : arrêt des missions de paix à l’étranger et réforme fiscale (réductions d’impôts et baisse de la TVA) afin de relancer l’économie. Il faut dire que, dans les fiefs de Ligue, dans le nord du pays, les PME sont actuellement en pleine déprime…
La chute du Cavaliere n’est sans doute plus qu’une question de temps. Même sa progéniture en est apparemment convaincue. À preuve, les récentes déclarations de Marina, sa fille – par ailleurs présidente du groupe Fininvest. « Dans quelque temps, estime-t-elle, il va devenir difficile d’être les enfants de notre père. »
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