Hamas : en attendant l’aggiornamento

Au pouvoir à Gaza depuis quatre ans, le mouvement islamiste a vu sa gestion des affaires plombée par le blocus israélo-égyptien, mais aussi par ses propres contradictions. Le Hamas saura-t-il en tirer les leçons ?

Des Palestiniens réclamaient l’unité entre le Hamas et le Fatah, le 15 mars à Gaza. © AFP

Des Palestiniens réclamaient l’unité entre le Hamas et le Fatah, le 15 mars à Gaza. © AFP

Publié le 30 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

Sorti vainqueur des législatives de janvier 2006, le Hamas intègre, en février 2007, un gouvernement d’union avec le Fatah, le parti historique laïc de feu Yasser Arafat, dans l’espoir de mettre fin à un an de boycott international diplomatique et financier. Las ! L’Amérique et l’Europe ne veulent rien entendre. Des affrontements sanglants éclatent entre les deux partis rivaux à Gaza. Le 14 juin 2007, le Hamas prend le contrôle effectif de ce territoire de 1,7 million d’âmes pour mettre un terme au début de guerre civile et éviter le putsch que le Fatah et les États-Unis préparaient (conformément à la doctrine du « Regime Change » chère à George W. Bush).

L’ordre est rapidement rétabli. Le nouveau pouvoir civil décide de réduire le nombre de services de sécurité et, surtout, de les professionnaliser pour mieux les contrôler. Mais cela ne suffira pas à épargner aux Gazaouis de nouveaux cycles de violence, comme l’opération israélienne Plomb durci de l’hiver 2008-2009 (1 400 morts), mais aussi les affrontements meurtriers entre le Hamas et des groupuscules salafi-djihadistes se réclamant d’Al-Qaïda. En août 2009, vingt-six membres de Jound Ansar Allah sont abattus par les forces de sécurité. Plus récemment, en avril, un coopérant italien a été sauvagement assassiné par un autre groupe.

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La première conséquence de cette insécurité a été l’autoritarisme croissant du Hamas, qui, pendant quatre ans, a totalement muselé le Fatah et la population. Un sondage conduit en mars par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR) révèle que 19 % seulement des Gazaouis se sentent libres de critiquer les autorités, contre 52 % en 2007. Un parfum de « printemps arabe » flotte aussi sur Gaza, où le Hamas commence à payer le prix de son propre clientélisme, après avoir dénoncé celui du Fatah.

Débats internes

Deuxième conséquence de l’insécurité : les tentatives d’islamisation de la société pour qu’elle ne soit pas débordée par les groupes radicaux. Les autorités ont ainsi fait fermer des cafés, censuré des livres et créé une « police des mœurs »… Aucune disposition légale n’a été prise, mais des initiatives locales ont été lancées comme autant de ballons d’essai par des civils proches du Hamas. Mais quand ces initiatives étaient dénoncées par les citoyens, les autorités prenaient soin de s’en distancier publiquement.

Deux évolutions majeures : l’abandon de la lutte armée et la réconciliation avec le Fatah.

Sur le plan économique, blocus israélo-égyptien oblige, Gaza a vu son PIB par habitant stagner autour de 870 dollars par an entre 2007 et 2010 (contre + 17 % en Cisjordanie), et son taux de chômage, reculer légèrement de 40,6 % à 37,8 %, selon le Bureau international du travail. Et les efforts du gouvernement pour développer l’agriculture n’ont pas suffi à réduire la dépendance aux importations israéliennes.

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Politiquement, le mouvement islamiste a donné des signes d’évolution, comme l’abandon de facto de la lutte armée. « En quatre ans, le Hamas est passé du statut de mouvement de résistance à celui de parti de gouvernement, explique Nathan Brown, de la Fondation Carnegie pour la paix. Il est ainsi devenu plus pragmatique. » Il n’a revendiqué qu’un seul attentat suicide depuis 2004, essaie d’empêcher le Djihad islamique de tirer des roquettes sur Israël et a signé un accord de réconciliation avec le Fatah le 4 mai. Il se dit même prêt à reconnaître Israël dans les frontières de 1967, mais se refuse pour le moment d’amender sa charte de 1988 qui prône la destruction de l’État hébreu. Une contradiction qu’il devra tôt ou tard lever s’il veut devenir fréquentable.

« Au cours des quatre années écoulées, des divergences sont apparues entre la direction d’Ismaïl Haniyeh à Gaza, qui essaie de s’autonomiser, et celle de Khaled Mechaal à Damas, affaiblie par la révolte syrienne », analyse Dominique Thomas, de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris. À l’approche de la possible proclamation unilatérale d’un État palestinien en septembre, les débats internes sur l’avenir du mouvement, durablement marqué par l’expérience gazaouie – « gouverner a été un fardeau », estimait, le 9 juin, un député du Hamas –, devraient se multiplier. Et pourraient aboutir à un aggiornamento historique. 

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