Affaire DSK : Nafissatou et le fardeau de l’homme blanc

Aminata Traoré, militante alter­mondialiste et ancienne ministre malienne de la Culture et du Tourisme, réagit sur l’affaire DSK, exprimant son soutien à la jeune Guinéenne, Nafissatou Diallo, présumée victime d’agression sexuelle.

Tchiakoullé, le village natal de Nafissatou Diallo, sur les hauteurs du Fouta-Djalon en Guinée. © Cellou Diallo/AFP

Tchiakoullé, le village natal de Nafissatou Diallo, sur les hauteurs du Fouta-Djalon en Guinée. © Cellou Diallo/AFP

Publié le 30 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

Il me faut commencer par exprimer ma solidarité à l’endroit de cette jeune Guinéenne, Nafissatou Diallo, dont la vie tourne aujourd’hui au cauchemar. Le fait de fouiller dans son passé pour vérifier sa moralité me choque autant que l’agression sexuelle qu’elle dénonce. Souvenons-nous aussi que disposer librement des femmes fait partie des avantages que nos dirigeants, politiques ou économiques, croient pouvoir tirer de leur statut. À l’inverse, un homme qui se sent en position d’infériorité hésite souvent à courtiser certaines femmes. Cette inhibition saute avec le pouvoir et l’argent.

Cette affaire des temps présents renvoie à des symboles forts de l’histoire de l’Afrique. Une histoire faite de violence. L’homme blanc qui est en situation ici n’est pas n’importe lequel. Dominique Strauss-Kahn (DSK) était le directeur général de la plus puissante institution financière dans le monde, le Fonds monétaire international (FMI). Bien avant d’opérer dans les pays européens actuellement en crise, le FMI a sévi – et continue de sévir – sur le continent avec des conséquences particulièrement graves pour les femmes.

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Dans mes différents essais, tout comme Abderrahmane Sissako dans son film Bamako (auquel j’ai participé), j’évoque cet ordre des riches dont le FMI est une cheville ouvrière. Il constitue avec la Banque mondiale un couple arrogant de donneurs de leçons en matière de gouvernance économique et démocratique, ainsi que de lutte contre les violences faites aux femmes. Mais leurs dirigeants ont été pris plus d’une fois la main dans le sac. Je pense aussi aux autres affaires moins médiatisées, comme celle concernant Paul Wolfowitz, l’ancien président de la Banque mondiale accusé d’avoir favorisé l’avancement de sa compagne et contraint à la démission. Pour toutes ces raisons, les peuples endettés et assujettis sont, à leur tour, en droit de donner des leçons de « gouvernance de soi » aux puissants de ce monde dérégulé et déréglé.

Il en est de ce dossier comme des autres questions brûlantes de l’heure, dont la démocratie. L’état de délabrement de notre planète disqualifie les nations et les institutions qui ont pris la direction du monde. Elles se sont trompées de projet de société et de mondialisation. L’Afrique ne doit plus être à leur écoute ni à leur remorque.

Malheureusement, le silence actuel de la classe politique africaine face à cette chronique new-yorkaise n’a, à mon avis, rien d’étonnant. Nos dirigeants sont, dans l’ensemble, de bons élèves qui assistent à la chute ver­tigineuse de l’un de leurs maîtres à penser. Ils doivent, on l’imagine, se sentir plus proches de DSK que de Nafissatou Diallo et juger démesurées les conséquences de cette affaire, même s’ils ne l’approuvent pas. Les scandales planétaires auxquels nous assistons font tomber bien des masques. L’ordre actuel du monde est eurocentriste, masculin et violent, mais il va falloir que chacun balaie devant sa porte. Bien des dirigeants, dans les ­démocraties dites « avancées », sont des polygames voilés.

Pour autant, dans ma carrière, j’ai aussi souvent été confrontée à un féminisme occidental radical et intolérant. S’agissant des relations hommes-femmes, je ne m’inscris pas dans le registre de la « guerre des sexes », qui, à mon avis, est une bataille de trop. Et j’ai eu – et j’ai toujours – le sentiment qu’au nom de notre libération d’autres femmes s’octroient le droit de penser à notre place et de parler en notre nom. Quant aux oligarques d’ici et d’ailleurs, ils ont décrété à l’insu des Africaines qu’une croissance économique forte est bonne pour elles et qu’elles en sont l’un des leviers. Nous attendons, mais en vain, de voir dans nos marmites la moindre trace de cette croissance économique que le discours dominant salue.

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Il appartient donc aux femmes, qui demeurent sous-représentées en politique, de forcer le respect des dirigeants en les mettant face à leurs responsabilités dans un monde injuste et dangereux. Pour en finir avec le machisme et le sexisme universellement partagés.

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