Sidi Sosso Diarra : « Ce que nous avons dévoilé au Mali n’est que la partie visible de l’iceberg »

L’ex-« Monsieur Anticorruption » profite de sa nouvelle liberté de parole avec une franchise déconcertante. Pour lui, l’argent public est tout simplement mal géré au Mali.

L’ancien vérificateur général a désormais des ambitions politiques. © Agostino Pacciani/J.A.

L’ancien vérificateur général a désormais des ambitions politiques. © Agostino Pacciani/J.A.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 28 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

Si les dernières prévisions de la Banque africaine de développement (BAD) se confirment, l’économie malienne devrait croître de 5,4 % en 2011, soit un peu mieux que les 4,5 % de 2010. À condition que la prochaine campagne agricole soit bonne et que la production aurifère augmente, de même que les cours de l’or et du coton (les deux principaux produits d’exportation du pays). Certes, cette prévision est dans la moyenne de l’Afrique de l’Ouest, mais le Mali pourrait faire nettement mieux. Principal point faible, la mauvaise gestion des ressources publiques, qui ampute l’État d’une partie de ses capacités d’intervention. L’inculpation et le placement sous contrôle judiciaire de l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, pour détournement de fonds (plusieurs milliards de francs CFA) en est une illustration. Sidi Sosso Diarra, qui a dirigé pendant sept ans, jusqu’en mars 2011, le Bureau de vérification, la structure de lutte contre la corruption, dresse un tableau sans concession de la gouvernance malienne alors que les états-majors des partis politiques sont en ébullition pour préparer l’après Amadou Toumani Touré, en 2012.

Jeune Afrique : Quel regard portez-vous sur l’économie malienne ?

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Sidi Sosso Diarra : Le Mali a beaucoup investi dans le développement des infrastructures. Mais la répartition des richesses est insuffisante et le niveau de vie n’a pas assez progressé. Les salaires sont certes régulièrement payés, mais ils restent maigres. Par ailleurs, les deniers publics sont mal gérés. Dans notre dernier rapport, nous avons estimé à 388 milliards de F CFA [plus de 590 millions d’euros, NDLR] les déperditions des ressources publiques liées à la mauvaise gestion et aux fraudes, entre 2005 et 2010.

Quels sont les secteurs les plus touchés par ces malversations ?

Ce que nous avons dévoilé n’est que la partie visible de l’iceberg. Tous les dossiers examinés, dans l’éducation ou la santé, contenaient des irrégularités. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, les contrôles de la gestion du fonds d’aide alimentaire du Japon et de l’Office des produits agricoles du Mali nous ont permis d’évaluer un manque à gagner pour l’État de près de 2 milliards de F CFA entre 2007 et 2009.

Tous les dossiers examinés, dans l’éducation ou la santé, contenaient des irrégularités.

Dans ces conditions, à quoi le Bureau de vérification a-t-il servi ?

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Le Mali est le seul pays de la sous-région qui dispose d’une telle structure contre la corruption. Mais mettre en place un Bureau de vérification est une chose. Encore faut-il lui donner tous les moyens nécessaires. Depuis notre création, nous avons transmis bon nombre de dossiers au procureur du pôle économique. Nous n’avons eu aucun retour, que ce soit sur les montants recouverts ou sur les sanctions qui auraient été prises. Les partenaires financiers du Mali commencent à fermer les robinets compte tenu de cette mauvaise gestion des ressources publiques. Les autorités maliennes doivent faire preuve de plus de transparence et de rigueur pour continuer à bénéficier de l’appui des bailleurs de fonds.

Vous avez annoncé en mars dernier, à la fin de votre mandat, votre intention d’entrer en politique. Allez-vous, comme votre jeune frère Modibo Diarra, briguer la magistrature suprême ?

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Après avoir occupé le poste de vérificateur général du Mali, il est naturel de faire de la politique. Mais je ne sais pas encore à quel niveau je peux être utile. Pour l’élection présidentielle de 2012, les délais sont trop courts pour nourrir une quelconque ambition. Mais pour l’avenir, je n’exclus rien. 

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Propos recueillis à Bamako par Stéphane Ballong.

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