Mali : Aqmi, la fin de la politique de l’autruche ?

Après avoir été critiquées pour leur passivité, les autorités maliennes ont décidé de durcir le ton face à la menace terroriste.

Les autorités maliennes entendent mener une lutte plus active contre les terroristes. © Reuters

Les autorités maliennes entendent mener une lutte plus active contre les terroristes. © Reuters

Christophe Boisbouvier

Publié le 29 juin 2011 Lecture : 2 minutes.

« Je ne comprends pas, dit un député malien. Le 11 mai dernier, à Paris, notre nouveau ministre des Affaires étrangères a été longuement auditionné par les députés français sur le terrorisme et le narcotrafic au Sahel. Or il ne l’a pas encore été par nous-mêmes ! » Cette remarque en dit long sur l’omerta qui règne à Bamako. En novembre 2009, un Boeing bourré de cocaïne s’est posé en plein désert, au nord de Gao. Motus chez les tous les officiels maliens. Sans les fuites dans la presse de Bamako, personne n’en aurait rien su. Le narcotrafic ? Connais pas. Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ? On en parle le moins possible…

Est-ce à cause des raids à répétition d’Aqmi (Arlit en septembre, Niamey en janvier, Nouakchott en février) ? Depuis quelques mois, le président Amadou Toumani Touré (ATT) ne fait plus la politique de l’autruche. En décembre, il rappelle à Bamako le colonel Gamou, un ex-rebelle touareg qui commandait la région militaire du Mali (Gao, Kidal). En avril, il nomme aux Affaires étrangères un homme à poigne, l’ex-ministre de la Défense Soumeylou Boubèye Maïga. Le 6 juin, un procureur de Bamako annonce à la télévision que trois suspects – un Espagnol, un Français et un Malien – étaient inculpés et détenus dans l’affaire du « Boeing de la coke ».

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Un tournant ? En tout cas, c’est la réponse d’ATT à une double pression. À l’extérieur, les partenaires ne cessent de dénoncer les défaillances de l’État malien – considéré par beaucoup comme le « maillon faible » de la lutte antiterroriste. À l’intérieur, les populations du Nord ne bénéficient plus de la manne étrangère. À Gao et à Tombouctou, toutes les ONG de développement sont parties. À Mopti, la fréquentation touristique est tombée de 150 000 visiteurs à 50 000 visiteurs par an.

Corruption

Pourtant, à Bamako, beaucoup restent sceptiques. « Voilà huit ans que les islamistes algériens utilisent notre pays comme sanctuaire, et il n’y a toujours pas de vraies unités antiterroristes ni de coordination police-justice », se lamente un ancien responsable des services maliens. « Pourquoi les colonnes d’Aqmi sont-elles le plus souvent attaquées par les armées de nos voisins, y compris sur notre propre territoire ? » s’étonne Tiébilé Dramé, le président du Parti pour la renaissance nationale (Parena).

Autre inquiétude, la corruption de la classe politique par l’argent du crime. Outre le trafic de cocaïne, les enlèvements d’Occidentaux font la fortune de quelques-uns. « Entre 2003 et 2010, les rapts ont rapporté au total quelque 15 millions d’euros », estime un spécialiste. Aujourd’hui, pour les quatre otages français capturés à Arlit, les ravisseurs exigent une rançon de… 100 millions d’euros ! Via les intermédiaires, qui prennent de belles commissions, une partie du magot revient à Bamako. Mountaga Tall, le président du Congrès national d’initiative démocratique (Cnid), lance un pavé dans la mare : « Si le Mali ne met pas fin au système de fraudes et d’achat de voix, nous risquons d’avoir, un jour, un narcotrafiquant à la tête du pays. »

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