Russie : le gang des barbares

Deux responsables d’un groupe néonazi ont été condamnés à la prison à vie pour une série de meurtres à caractère raciste, dont celui d’un étudiant sénégalais de 28 ans. Un verdict très rare, dans un pays où les « non-Slaves » ne sont pas toujours les bienvenus.

Alexeï Voevodin, lors de son prcès à Saint-Petersbourg, le 14 juin. © Dmitry Lovetsky/AP/SIPA

Alexeï Voevodin, lors de son prcès à Saint-Petersbourg, le 14 juin. © Dmitry Lovetsky/AP/SIPA

Publié le 24 juin 2011 Lecture : 2 minutes.

Derrière les barreaux de la cage de la salle d’audience, ils ont écouté le verdict avec calme, les mâchoires serrées. Le 14 juin, la cour municipale de Saint-Pétersbourg a condamné Alexeï Voevodin et Artyom Prokhorenko à la réclusion à perpétuité pour avoir dirigé un gang néonazi responsable d’une série de meurtres commis entre 2003 et 2006. Les dix membres de ce gang, des jeunes de 16 à 22 ans – condamnés à des peines allant jusqu’à dix-huit ans de prison –, battaient puis poignardaient leurs victimes. Parmi elles, une fillette de 9 ans originaire du Tadjikistan, des migrants de Chine et de Corée du Nord, ainsi que Samba Lampsar Sall, un étudiant sénégalais de 28 ans, tué d’une balle dans la tête. Andreï Maliouguine, le principal suspect dans l’assassinat de ce dernier, a été relaxé en mai. « C’est une immense déception pour toute la famille, confie Babacar Sall, l’un des frères de la victime. Un témoin l’a vu tirer dans le dos de Samba. Nous avons un terrible sentiment d’injustice. »

Lutte acharnée. Pourtant, depuis 2004, les peines prononcées lors de procès désormais très médiatisés sont de plus en plus lourdes. Cette année-là, la notion de « meurtres racistes » a été introduite dans le code pénal grâce à la lutte acharnée de Nikolaï Girenko. Devenu la cible numéro un des néonazis, ce militant antifasciste a été abattu peu après par Voevodin et Prokhorenko.

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Selon le Bureau des droits de l’homme de Moscou, 41 personnes ont été tuées lors de 188 attaques racistes en 2010, soit une baisse de 44 % par rapport à 2009. « Les chiffres officiels ne recouvrent qu’une petite partie de la réalité, prévient Sacha Koulaeva, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). Beaucoup de victimes sont des travailleurs migrants et des sans-abri, qui ne sont pas recensés. »

Quelque 70 000 néonazis sévissent en Russie. Souvent mineurs, ils ont remisé leurs rangers pour adopter un style plus discret – les croix celtiques remplacent les croix gammées – et ne diffusent plus d’images de leurs crimes. « Leurs cibles privilégiées sont tous les non-Slaves, qu’ils soient originaires d’Asie centrale, du Caucase ou d’Afrique, ainsi que les militants antifascistes », explique Koulaeva. Depuis la chute de l’URSS, des centaines de milliers de migrants sont venus travailler en Russie, fuyant la misère de leurs pays d’origine. « Avant les élections, certains partis politiques n’hésitent plus à jouer la carte de l’immigration mal contrôlée pour expliquer les problèmes sociaux et économiques de notre société. Or celle-ci a été frappée de plein fouet par la crise », analyse Evgueni Bounimovitch, défenseur des droits de l’enfant à Moscou.

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