Pakistan : le cri de détresse d’Asia Bibi
Chrétienne, elle a été condamnée à mort pour blasphème. Au nom d’une loi inique. Dans un livre qui vient de sortir en Europe, elle appelle au secours la communauté internationale.
« Je n’ai ni tué ni volé. Mais pour la justice de mon pays, j’ai fait bien pire : je suis une blasphématrice. Le crime des crimes. On m’accuse d’avoir mal parlé du Prophète. […] Mais je n’ai jamais blasphémé ! Je suis innocente ! » Ainsi parle la chrétienne pakistanaise Asia Bibi. Condamnée à mort dans son pays, elle clame son innocence dans un livre poignant publié en collaboration avec une journaliste française.
Blasphème*, c’est son titre, est un SOS lancé à la communauté internationale. Écrit à la première personne, il évoque la journée fatidique du 19 juin 2009. Ouvrière agricole sans terre, Asia Bibi, qui participe ce jour-là à la cueillette des baies, décide de se désaltérer au puits le plus proche, réservé aux musulmans. Une violente altercation avec d’autres villageoises s’ensuit. Chez les musulmans convertis du Pakistan profond, le système des castes hérité de l’hindouisme reste ancré dans les mentalités. Ils vivent dans la crainte d’être souillés par les chrétiens, historiquement issus des basses castes. Dès le lendemain, Asia est jetée en prison : elle a osé comparer Jésus au prophète Mohammed. En novembre 2010, un tribunal local la condamne à la peine capitale. Depuis, elle croupit dans la prison de Sheikhupura en attendant que la Haute Cour statue sur son appel.
Règlements de comptes. Promulguée en 1986 par le dictateur Zia ul-Haq, la loi antiblasphème est souvent utilisée pour régler des comptes de voisinage. L’élite progressiste demande son abrogation, mais les partis islamistes s’y opposent farouchement. Au début de l’année, ils ont fait assassiner le gouverneur du Pendjab, qui s’était ému du sort d’Asia Bibi et militait pour l’abrogation de la loi scélérate, puis, pour les mêmes raisons, le ministre chargé des minorités dans le gouvernement Zardari. Depuis, tout est bloqué.
« Nous espérons que la sortie du livre incitera l’opinion internationale à faire pression sur les autorités pakistanaises pour qu’elles libèrent Asia », commente la journaliste Anne-Isabelle Tollet, coauteure de Blasphème (sorti presque simultanément dans plusieurs pays d’Europe). Cette dernière n’a jamais rencontré son héroïne, mais elle lui a transmis des questions par l’intermédiaire d’Ashiq, son mari. Lequel a recueilli les réponses lors de ses visites à la prison, puis les a fait traduire en anglais. La version en ourdou a été validée, page par page, par Asia Bibi.
Ashiq et Sidra (16 ans), l’une des filles du couple, viennent de séjourner pendant quatre jours à Paris. Ils ont été reçus au Quai d’Orsay, à la nonciature apostolique et à la Grande Mosquée.
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* Oh ! Editions, 190 pages, 16,90 euros.
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