Nigeria : les douze travaux de Goodluck Jonathan
Au Nigeria, le chef de l’État Goddluck Jonathan devra rassurer le Nord tout en ménageant le Sud, qui l’a porté au pouvoir. Mais l’élection présidentielle d’avril dernier a exacerbé les tensions. Analyse.
Goodluck Jonathan a remporté l’élection présidentielle haut la main en avril dernier, mais il va devoir redoubler d’efforts pour engager des réformes de fond. Son gouvernement n’aura pas le temps de se reposer sur les lauriers que lui a tressés la communauté internationale, saluant le travail d’Attahiru Jega et de la commission électorale chargée de la supervision de ce scrutin décrit comme le plus transparent depuis 1999.
« Une étape importante a été franchie au Nigeria », s’est réjoui Festus Mogae, l’ancien président du Botswana à la tête des observateurs du Commonwealth. Mais si Goodluck Jonathan ne parvient pas à séduire les turbulentes provinces du Nord, les divisions régionales risquent encore de se creuser et le People’s Democratic Party (PDP, au pouvoir) pourrait en sortir fragilisé.
Certes, les sudistes dominent encore le système politique nigérian. Mais cette hégémonie s’explique notamment par le succès d’Action Congress of Nigeria (ACN). Nombreux sont ceux qui pensent que ce parti, très puissant dans le (riche) sud-ouest du pays, a passé un accord secret avec Goodluck Jonathan pour empêcher un rapprochement entre le PDP et le Congress for Progressive Change (CPC), du nordiste Muhammadu Buhari, candidat malheureux à la présidentielle.
Le déclin économique du Nord présente un vrai risque politique.
Depuis l’élection, le clivage Nord-Sud est encore plus marqué. Un coup d’œil à la carte électorale suffit pour s’en convaincre : le PDP a remporté facilement les provinces du Centre et du Sud-Ouest, tandis que les États du Nord ont apporté leur soutien au général Buhari. À Kaduna, Bauchi ou Kano, des dizaines de milliers de jeunes sont descendus dans les rues pour protester contre la victoire de Jonathan. Dans un chaos en partie instrumentalisé, près de 50 000 personnes ont fui leurs maisons, et les violences ont fait près de 1 000 morts.
Reste à voir si Goodluck Jonathan parviendra à combler le fossé économique qui sépare le Nord et le Sud. Selon une étude du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), dans les dix-huit États qui se sont prononcés pour Buhari, le revenu annuel moyen s’établit à 718 dollars – c’est deux fois moins que dans le Sud.
Désaffection
Bien sûr, le dynamisme du Sud et le déclin du Nord ont commencé bien avant l’arrivée de Jonathan au pouvoir. Au cours des dix dernières années, alors que le Sud bénéficiait de politiques de libéralisation économique, que 90 % des industries extractives et de très nombreuses banques et compagnies d’assurances s’installaient dans le Sud, le Nord devait faire face à l’effondrement des anciennes entreprises publiques. Un fossé que le chef de l’État ne peut pas se permettre d’ignorer.
Comment va-t-il gérer cette désaffection grandissante qu’il suscite dans le Nord ? La réponse reste incertaine. Il peut faire appel à quelques personnalités politiques et hauts fonctionnaires nordistes pour former son gouvernement. Et pourquoi pas offrir au gouverneur fraîchement réélu de Kano, Rabiu Kwankwaso, un poste important, voire la vice-présidence.
Jonathan devra traiter une autre crise, judiciaire celle-ci.
Mais l’ouverture a ses limites. Deux des plus solides adversaires de Goodluck Jonathan à la présidentielle, Buhari et Nuhu Ribadu, l’ancien chef de la lutte anticorruption, ont déjà refusé de faire leur entrée au gouvernement. Et le projet de former une équipe « de tous les talents », cher au président, risque de se heurter à la tradition, qui veut que chacune des 36 provinces du Nigeria fasse ses propositions pour le choix des ministres. Pendant la campagne, Jonathan avait promis que la liste des ministres serait minutieusement étudiée, mais, cette fois encore, la tâche s’annonce difficile. Car si les portefeuilles de la Finance, du Pétrole, des Affaires étrangères et de la Sécurité nationale devraient être attribués aux plus méritants, il ne fait aucun doute que les richissimes financiers du PDP comptent avoir leur mot à dire pour les autres ministères.
Jonathan devra traiter toutes ces questions tout en gérant une autre crise, judiciaire celle-ci. Le chef de la Justice, le bien nommé Justice Aloysius Katsina-Alu, et le président de la cour d’appel, Ayo Isa Salami, s’accusent mutuellement de partialité. Ils ont été suspendus en attendant les conclusions de l’enquête qui a été ouverte. Des conclusions d’autant plus attendues que les partis de l’opposition ont déposé de nombreuses plaintes pour fraude électorale devant les tribunaux. Et si la justice se trouvait dans l’incapacité de traiter équitablement ces recours, de nouveaux troubles politiques pourraient voir le jour, et la légitimité de Goodluck Jonathan en serait ébranlée.
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