Cameroun : Shakespeare contre Molière, le match des préjugés
Des anglophones peu élégants, des francophones hautains et corrompus… Entre les deux communautés, les clichés ont la vie dure au Cameroun.
« Sapé comme un “anglo” » : une moquerie bien connue sur les campus au Cameroun. Hérités de la colonisation, le français et l’anglais ont structuré mentalités et comportements. Et entre les deux groupes linguistiques, les stéréotypes ont la vie dure. C’est ce que démontre une étude menée par Innocent Fassé Mbouya (de l’université de Douala) et Augustin Simo Bobda (de l’université de Yaoundé), dont certains résultats ont été publiés, en mai, par le quotidien camerounais Le Jour.
Stéréotypes
Les professeurs ont interrogé 209 étudiants, âgés de 25 ans à 35 ans, sur leur perception des deux communautés au sujet de la corruption, l’ardeur au travail ou le manque d’élégance si souvent reproché aux anglophones. « Ce cliché est largement répandu, confirme Valentin Zinga, rédacteur en chef de La Nouvelle Expression. Mais ça relève plutôt de l’humour camerounais. Et puis, les anglophones se sont adaptés aux habitudes vestimentaires des francophones. »
Les manières peuvent avoir changé, mais les stéréotypes non.
Simo Bobda, lui, se souvient bien « des bermudas et des grandes chaussettes que portaient les anglophones » lorsqu’il était petit. « Les manières peuvent avoir changé, mais les stéréotypes non », ajoute-t-il. Les francophones ne sont pas épargnés. Leurs compatriotes de langue anglaise les jugent globalement « hautains ». Ils sont aussi perçus comme « corrompus » : c’est l’avis de 87,4 % des anglophones sondés, alors que 58 % des francophones estiment « honnêtes » les membres de l’autre communauté.
Brassage
De tels stéréotypes pourront-ils perdurer, alors que la frontière entre les deux groupes se brouille ? Les francophones sont de plus en plus nombreux à suivre des cursus en anglais : pour 95 % des personnes interrogées, cela garantit une meilleure éducation et donne la possibilité de partir faire des études à l’étranger. « Beaucoup de francophones grandissent comme des anglophones aujourd’hui », fait remarquer Mirabelle Afah, étudiante en cinquième année à l’École normale supérieure (ENS) de Yaoundé.
« Avec les mariages mixtes et le brassage des populations, les différences entre les deux groupes sont moins nettes qu’avant », confirme Simo Bobda. Selon son étude, cependant, les francophones sont « plus disposés » à contracter des unions avec des anglophones que ces derniers avec des francophones. Le professeur souhaite désormais étendre l’enquête à tout le Cameroun et impliquer d’autres tranches d’âge et catégories sociales.
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