Irak : Tarek Haziz ou la dernière carte du valet de pique

Au bout du rouleau, Tarek Haziz ne veut pas mourir en prison. L’ex-ministre de Saddam Hussein demande aux autorités irakiennes son exécution immédiate… ou sa libération.

Tarek Aziz lors du procès de Saddam Hussein en 2006. © Marco Di Lauro/AFP

Tarek Aziz lors du procès de Saddam Hussein en 2006. © Marco Di Lauro/AFP

Publié le 21 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

Condamné dans un premier temps à quarante-sept ans cumulés de réclusion pour des exécutions de civils et le massacre de Kurdes et de chiites, puis à la peine de mort en octobre 2010, l’ex-ministre des Affaires étrangères (1983-1991) de l’Irak baasiste croupit dans sa cellule de la prison de Kazimiyah, à Bagdad, le décret d’exécution n’ayant toujours pas été signé par les autorités.

Portant toujours les mêmes énormes lunettes qui lui mangent le visage, Tarek Aziz, 75 ans, a perdu beaucoup de poids et n’arbore plus son éternel cigare aux lèvres. Fidèle d’entre les fidèles de Saddam, le vice-Premier ministre (1991-2003) s’était rendu aux Américains en avril 2003, peu après l’invasion de l’Irak. La pendaison de Saddam Hussein en 2006 avait touché les Irakiens, soulagés ou outrés, et celle d’« Ali le chimique » en 2010, satisfait leur soif de justice. Mais le sort du valet de pique, classé 43e sur 55 dans le jeu de cartes des responsables baasistes les plus recherchés, n’agite guère la scène irakienne en période de difficile reconstruction politique et économique. D’abord parce que l’ancien journaliste et professeur d’anglais ne faisait pas partie du cercle familial de Saddam, les Tikriti, ensuite parce qu’il n’aurait pas de sang sur les mains. Pourtant, membre du Conseil de commandement de la révolution depuis 1977 et grand admirateur de Saddam Hussein, lequel en retour était fasciné par son érudition, il a validé toutes les grandes décisions du régime et échappé aux purges. Surtout, Aziz appartient à la minorité chrétienne chaldéenne, ce qui a sans doute contribué à lui sauver la vie.

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Diplomate respecté

Le décret d’exécution d’une peine capitale doit être signé par au moins deux des trois chefs de l’exécutif. Si le président, le Kurde Jalal Talabani, refuse catégoriquement de le faire parce que Tarek Aziz est « un chrétien et un homme âgé », le Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki, et le président du Parlement, sunnite, réservent leur décision. Pour le chercheur Barah Mikaïl, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), à Paris, « les autorités craignent une désapprobation internationale forte, qui s’était déjà manifestée lors de sa condamnation. Tarek Aziz est chrétien, et dans un contexte de menace sur les communautés chrétiennes du Moyen-Orient, plusieurs pays occidentaux estiment que son exécution serait très mal venue ». De fait, l’ex-vice-Premier ministre jouissait d’une image de laïc et de modéré, et était apprécié au sein des cercles diplomatiques internationaux.

"Il se porte bien"

La famille d’Aziz accuse aujourd’hui les autorités de négliger sa santé (plusieurs fois hospitalisé, il a fait une grève de la faim et deux crises cardiaques en 2010) et de le laisser mourir à petit feu. Le vieil homme veut en tout cas en finir et a réclamé son exécution immédiate… ou sa libération pour raisons médicales. « Je suis mort en 2006 quand Saddam est mort », avait confié un Aziz au bout du rouleau à son avocat, Giovanni Di Stefano. « Nous venons de dépenser 2 000 dollars pour ses soins dentaires. Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il n’est pas bien traité ! […] Le prisonnier se porte comme un charme », a répliqué, dans les colonnes du journal Le Figaro, le 9 juin, le vice-ministre irakien de la Justice.

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Contacté par Jeune Afrique, ce dernier assure avoir reçu la promesse de Talabani et de Maliki, « un homme de parole », de ne « jamais » signer l’ordre d’exécution, et déclare avoir introduit un second recours en grâce. En outre, Aziz et son avocat ont décidé, en avril, d’engager des poursuites… contre George W. Bush et Barack Obama pour non-respect du contrat qu’il avait passé avec les Américains en 2003. En échange de sa reddition et d’un certain nombre d’informations, Aziz avait reçu de Washington la garantie d’être exfiltré avec sa famille à Amman. Le roi Abdallah II l’attend toujours.

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