BAD : toujours entre deux sièges…
Le retour à Abidjan de la Banque africaine de développement (BAD), transférée à Tunis en 2003, a été annoncé lors des assemblées générales de l’institution. Mais cela pourrait ne pas avoir lieu avant 2015…
Des Ivoiriens aux anges. Arrivée en force, leur délégation – une cinquantaine de représentants – n’est pas passée inaperçue lors des assemblées générales de la Banque africaine de développement (BAD), les 9 et 10 juin à Lisbonne. « Il n’y a pas d’assemblée générale de la BAD sans que la Côte d’Ivoire soit représentée », a martelé Albert Toikeusse Mabri, le ministre d’État du Plan et du Développement. Si tout ce beau monde a débarqué d’Abidjan pour encaisser les 130 millions de dollars (environ 89 millions d’euros) débloqués en urgence par la BAD pour le pays, le camp ivoirien a aussi saisi l’occasion pour réclamer le rapatriement de l’institution sur ses terres.
Pour des questions de sécurité, le siège de la BAD a en effet été transféré – provisoirement – d’Abidjan à Tunis en 2003. Un provisoire qui dure depuis huit ans, donc… Mais à Lisbonne, le président de l’institution, Donald Kaberuka, a surpris son monde en déclarant : « Le retour à Abidjan est imminent… Cela dépendra des conditions de normalisation. Imminent, c’est peut-être trois mois, six mois ou un an. Je n’en sais rien. » Il n’en fallait pas plus pour soulever des vagues de soulagement à Abidjan et de protestation à Tunis, qui ne veut plus se séparer de son institution « provisoire ».
Avant tout, Donald Kaberuka a profité de la tribune des assemblées générales pour rassurer la communauté internationale sur le retour rapide à la normale en Côte d’Ivoire. Très proches, le président de la BAD et Alassane Ouattara ont déjà discuté du retour de la banque à Abidjan le 21 mai, lors de l’investiture du président ivoirien, lequel a proposé de mettre l’hôtel Ivoire à la disposition de l’institution pour accélérer son retour. Déjà en avril dernier des émissaires de Ouattara avaient milité en coulisses, au cours du sommet de la zone franc à N’Djamena, pour rapatrier au plus tôt la banque.
Au même moment, le 18 avril, le conseil consultatif des gouverneurs, qui regroupe les actionnaires de la BAD, décidait d’attendre trois ans avant d’envisager un déménagement de Tunis à Abidjan – le temps nécessaire à la sécurisation de la capitale économique ivoirienne. Un préavis d’un an en Tunisie a en outre été arrêté. Un calendrier confirmé à Lisbonne. En théorie, c’est donc en juin 2015, au mieux, que la BAD retrouvera son siège historique. Toutefois, si le pays est sécurisé avant ce délai, le retour pourra être anticipé… Une manière de couper la poire en deux et de satisfaire Tunis et Abidjan.
Amiante
Car aujourd’hui, toute réinstallation est impossible. Les deux tours jumelles de 18 étages du siège de la BAD, situées sur le Plateau, ont besoin d’un sérieux rafraîchissement et sont bourrées d’amiante. Pour les 200 logements de la « cité de la BAD », un coup de pinceau ne serait pas non plus du luxe. La facture de la réhabilitation des locaux s’élève à 80 millions de dollars. Un temps envisagée, la construction d’un nouveau siège (180 millions de dollars) a été abandonnée.
Le 20 juin à Abidjan, une réunion bilatérale entre les autorités ivoiriennes et la BAD évoquera à nouveau les conditions de la réinstallation. « La sécurité s’est déjà bien améliorée, nous attendons le retour de la banque le plus tôt possible », plaide Albert Toikeusse Mabri. Pas sûr que ce soit si imminent…
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Jean-Michel Meyer, envoyé spécial à Lisbonne
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