Pignouf ne veut pas être marocain
Dimanche dernier a eu lieu à Haarlem, aux Pays-Bas, une réunion de Marocains consacrée à la réforme constitutionnelle qui se prépare dans le royaume chérifien. Des gens de toutes obédiences étaient réunis là, chacun a dit son mot et, ma foi, chacun a bien le droit de dire son mot, surtout s’il est bref.
Cependant, et c’est là que ça grince, il y avait aussi à Haarlem des gens qui ont tenu un discours complètement contradictoire. Exemple : un politicien néerlandais d’origine marocaine prend la parole pour protester contre le code marocain de la nationalité. En effet, ce monsieur, qu’on désignera ici sous le nom de Pignouf – il est prompt à réclamer des droits de réponse quand on use de son vrai nom –, Pignouf, donc, se lève et proteste contre le fait qu’il ne peut pas perdre sa nationalité marocaine. Pignouf se sent entièrement hollandais, ou à la limite hollandais d’origine rifaine, et ne veut plus être le concitoyen de l’illustre Hicham El Guerrouj, du grand philosophe Abed El Jabri ou du rossignol chantant Abdelwahab Doukkali. Bon : qu’il fasse ce qu’il veut, on se passera de lui s’il veut se passer de nous. Il y a quelques années, un autre gus dans son genre, un écrivain, s’était présenté au consulat du Maroc à Amsterdam pour rendre son passeport vert. On lui avait ri au nez : mon cher monsieur, quand on est marocain, c’est pour la vie. Il était rentré penaud et dépité chez lui.
Pour en revenir à l’ami Pignouf, il réclame donc le droit de ne plus être marocain. Très bien. Mais ensuite, quelques instants plus tard, ce même Pignouf prend part à la discussion sur la réforme constitutionnelle. C’est là que je dis : stop ! On ne peut pas être à la fois dedans et dehors. Je vous le confirme en tant qu’ancien matheux : être à la fois dedans et dehors, ce n’est possible que dans une partie très bizarre et très contestée des maths qui s’appelle la logique floue. Il y a des jours où l’on a envie d’exiler tous les Pignouf du monde dans ce domaine lointain où leurs contradictions pourraient se déployer en toute liberté.
De quel droit Pignouf se mêle-t-il de ce qui se passe dans un pays dont il ne veut plus être ressortissant ? Est-ce que nous prenons part, nous, à la discussion sur la réforme constitutionnelle au Pérou ? Est-ce que nous nous occupons du code pénal mexicain ? Est-ce que nous intervenons dans le prix de l’orge à Stockholm ?
En tout cas, la prochaine fois que vous rencontrerez Pignouf avec ses gros sabots, traitez-le comme le vrai Hollandais qu’il prétend être. Saluez-le amicalement, félicitez-le pour Cruyff, Rembrandt, les tulipes et les canaux. Et essayez de lui vendre un tapis ou une veste en cuir pour dix fois son prix… Ça lui apprendra !
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