Guinée équatoriale : Malabo en quête de reconnaissance

Courtisé pour ses hydrocarbures, critiqué pour sa gouvernance, le pays a su utiliser sa nouvelle richesse pour se moderniser. Et espère profiter de la présidence de l’Union africaine et de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2012 pour acquérir une visibilité internationale.

Obiang Nguema, président de l’UA pour un an avec Jean Ping, le 24 mai 2011 à Addis-Abeba. © Simon Maina/AFP

Obiang Nguema, président de l’UA pour un an avec Jean Ping, le 24 mai 2011 à Addis-Abeba. © Simon Maina/AFP

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Publié le 21 juin 2011 Lecture : 4 minutes.

Guinée équatoriale : sur le devant de la scène
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Guinée équatoriale : sur le devant de la scène

Sommaire

On l’a vainement cherché sur la photo de famille. Président en exercice de l’Union africaine (UA) pour un an, l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo n’a pourtant pas été convié au sommet du G8 tenu fin mai à Deauville (France). L’« oubli » de l’Élysée a probablement épargné au président français Nicolas Sarkozy les critiques qui avaient déjà visé en octobre 2010 le comité exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), au point de le pousser à suspendre le prix Unesco-Obiang Nguema que le chef de l’État équato-guinéen se proposait de sponsoriser. La grand-messe des puissants s’est déroulée sans polémique, les apparences sont sauves, même si chacun sait que l’on nage en pleine hypocrisie.

Embarrassant partenaire

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Entre mauvaise conscience et realpolitik, les Occidentaux ne savent plus sur quel pied danser avec la Guinée équatoriale. Comment assurer les approvisionnements pétroliers auprès d’un partenaire que les opinions publiques aiment tant critiquer ? La longévité au pouvoir (trente et un ans) de son président est stigmatisée, son score de 95 % à la présidentielle de novembre 2009 n’est guère apprécié par les ONG, à l’instar de Human Rights Watch. L’organisation ne cesse de dénoncer des violations des droits de l’homme, les entraves à la liberté d’expression notamment, tandis que Transparency International, qui place le pays au 168e rang (sur 178) dans son dernier classement, met en évidence le niveau élevé de la corruption…

La redistribution de la richesse nationale lui vaut également des reproches, au regard de l’indice du développement humain du Programme des Nations unies pour le développement : la Guinée équatoriale occupe la 117e place du classement 2010, qui compte 169 États.

Le pays en bref

Population
676 300 habitants

Superficie 28 050 km2, divisés entre un territoire continental, le Rio Muni (26 017 km2), et des îles (la principale est Bioko, 2 017 km2)

PIB 14,5 milliards de dollars en 2010

PIB par habitant 11 081 dollars en 2010, le plus élevé d’Afrique subsaharienne

Croissance 0,9 % en 2010

57,7 % du PIB provient de la production de pétrole et 15,7 % de sa transformation (chiffres 2009)

IDH 117e sur 169 États évalués

(Sources : FMI, Banque mondiale, Pnud)
 

Ce tableau revient invariablement dans les colonnes de la presse internationale, sans parvenir à enrayer l’attraction que la Guinée équatoriale exerce évidemment sur les compagnies pétrolières, qui se disputent les permis d’exploration dans ses eaux territoriales depuis le début de l’ère pétrolière en 1992. Plus de 3 000 employés américains du secteur y vivent. La France était en 2010 le troisième fournisseur et le sixième client de la Guinée équatoriale, pour des montants respectifs de 234 et 367 millions de dollars (162,7 et 255 millions d’euros). Les agrégats du pays affolent les observateurs. Selon le Fonds monétaire international (FMI), son produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 5 272 % entre 1992 et 2008 : la plus forte croissance économique au monde. Et, bien qu’elle soit repartie à la hausse en 2009, sa dette ne représentait toujours que 5,1 % du PIB selon les estimations du FMI.

Afflux d’immigrés

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Prévue en janvier 2012, la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) offrira une formidable exposition à ce petit pays en quête de considération. « Le plus important pour nous, c’est qu’à l’occasion de cette CAN l’Afrique et le monde entier connaissent mieux la Guinée équatoriale, espère Ruslan Obiang Nsue, secrétaire d’État aux Sports. Cette visibilité au niveau international nous donnera l’opportunité de promouvoir le tourisme et d’attirer des investisseurs », poursuit-il. Équipements sportifs, infrastructures routières et hôtelières font cruellement défaut en Afrique centrale, où le pétrole coule pourtant depuis les années 1950 dans certains pays voisins. Au Cameroun, au Gabon et au Congo, les projets sont souvent restés dans les cartons. En dix ans, la Guinée équatoriale les a réalisés.

Des lois restrictives ne semblent pas pouvoir stopper l’afflux d’immigrés irrésistiblement attirés par la prospérité. Camerounais, Nigérians, Sénégalais, Libanais, Chinois occupent, dans le commerce et les services, des emplois non pourvus faute de main-d’œuvre qualifiée parmi les quelque 676 000 Équato-Guinéens. Il faut dire que jusqu’à l’indépendance, proclamée en 1968, la colonisation espagnole n’a pas fait de l’éducation une priorité. Le régime autoritaire instauré par la suite par le « père de l’indépendance », Macias Nguema, non plus. Une vingtaine d’années de production pétrolière ne peuvent à elles seules juguler tant de déficits… 

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Vers des réformes ?

Pour accompagner ce développement économique phénoménal, le pouvoir s’est engagé à améliorer la gouvernance. En dépit du boycott d’une partie de l’opposition, Obiang Nguema a lancé début mai un calendrier de réformes politiques devant aboutir à un référendum en fin d’année. La commission chargée de la réforme de la Constitution a annoncé le 26 mai qu’elle allait proposer de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, d’une durée de cinq ans, et de créer divers organes : un Sénat ou un Conseil économique et social, un Conseil de la République, un Conseil du défenseur du peuple et une Cour des comptes.

La lutte contre la corruption, elle, semble s’intensifier, marquant peut-être le début de la fin de l’impunité. Le 28 mai, le procureur général de la Guinée équatoriale a ouvert une procédure pénale pour corruption contre José Olo Obono, ancien président de la Cour suprême, démis de ses fonctions en janvier dernier. « Des agissements de la sorte font qu’on nous critique à l’étranger », avait alors déploré le chef de l’État.

Sur le plan diplomatique, enfin, Obiang Nguema, grand voyageur, s’est montré très actif sur la scène continentale. Il s’est fortement impliqué dans la résolution du conflit postélectoral ivoirien. Le 10 décembre dernier, le voilà à Dakar pour l’ouverture de la 3e édition du Festival mondial des arts nègres. À peine revenu d’un sommet Afrique-Inde qu’il a coprésidé – avec le Premier ministre indien Manmohan Singh – à Addis-Abeba, il s’apprête à accueillir, les 30 juin et 1er juillet, le 17e sommet de l’Union africaine à Malabo. Il lui reste cependant un défi de taille, que nombre de ses prédécesseurs et homologues africains n’ont jamais su ou voulu relever : préparer l’avenir et, donc, sa succession. Quel que soit le terme… 

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