Israël : ex-faucons proposent paix globale

Rompant avec l’autisme de Benyamin Netanyahou, d’anciens membres de l’establishment sécuritaire ont décidé de militer pour une normalisation des relations avec le monde arabe.

Manifestations à Tel-Aviv, juin 2010. © AFP

Manifestations à Tel-Aviv, juin 2010. © AFP

perez

Publié le 17 juin 2011 Lecture : 4 minutes.

Ceux qui espéraient que Benyamin Netanyahou recevrait une leçon de diplomatie en ont été pour leurs frais. Le Premier ministre israélien aura, une fois de plus, tenu tête à Barack Obama, comme en septembre dernier à l’issue du moratoire sur la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est que la Maison Blanche souhaitait voir reconduit. Cette fois, c’est sur l’épineuse question des frontières de 1967 que « Bibi » a fait montre de fermeté, obligeant le président des États-Unis à infléchir sa position devant l’Aipac, le puissant lobby juif américain, à qui il a dû expliquer qu’il n’était pas question de revenir aux lignes d’avant la guerre des Six Jours, comme il l’avait laissé entendre dans son discours de politique étrangère, le 19 mai.

Le 24 mai, Netanyahou triomphe devant le Congrès, qui l’ovationne à plusieurs reprises. « Nous avons recueilli un large soutien américain à nos demandes élémentaires, en premier lieu la reconnaissance d’Israël comme l’État-nation du peuple juif, la nécessité de frontières sûres et le rejet total du Hamas », s’est félicité le Premier ministre de retour à Jérusalem. Pour une large frange de l’opinion israélienne, Netanyahou est sorti vainqueur de son périple aux États-Unis. De récents sondages le placent même en tête de tout scrutin électoral anticipé (36,9 %), loin devant sa rivale Tzipi Livni (28,3 %), chef du parti centriste Kadima, qui ne cesse de fustiger son manque de vision politique.

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"Inacceptable diktat". Il est vrai que le leader israélien n’aura formulé à ce jour aucun plan de paix, pas plus qu’il n’a fixé d’échéance pour parvenir à un règlement du conflit avec les Palestiniens. Ses conditions sont néanmoins sans ambiguïté : certes, des concessions territoriales « douloureuses », mais pas de partition de Jérusalem, ni de retour des réfugiés palestiniens en Israël, et une présence militaire le long de la vallée du Jourdain. Netanyahou prévient enfin qu’il n’acceptera pas de discuter avec un gouvernement où prendrait place le Hamas.

Alors qu’elle vient d’engager le pari de la réconciliation avec le mouvement islamiste, l’Autorité palestinienne y voit un diktat inacceptable. « C’est une déclaration de guerre », s’indigne le négociateur Nabil Chaath, furieux de constater l’absence de partenaire israélien. La voie est désormais toute tracée pour Mahmoud Abbas, dont le projet de reconnaissance unilatérale de la Palestine continue d’engranger des points. « Nous avons déclaré dans le passé et nous disons toujours que la négociation est notre choix. Mais si rien ne se produit d’ici à septembre, nous irons devant l’ONU », rappelle le président palestinien. Face au blocage du processus de paix, rien ne semble pouvoir altérer la détermination du vieux loup du Fatah, pas même les mises en garde d’Obama, opposé à toute initiative qui consisterait à « isoler ou délégitimer Israël ». Car après s’être assuré le vote de 110 pays membres de l’ONU, Mahmoud Abbas vient d’obtenir à Doha un autre soutien de taille : celui de la Ligue arabe.

Sursaut. Le compte à rebours pour la proclamation d’un État palestinien reste donc enclenché, ce qui tend à prouver que Netanyahou n’a vraisemblablement pas sauvé l’essentiel. Nombre d’Israéliens redoutent en effet l’échéance de septembre, qu’ils voient comme la mise au ban annoncée de leur pays sur la scène internationale. Un scénario à la sud-africaine, ponctué de sanctions économiques et d’un boycott, est évoqué avec de plus en plus de gravité dans les cercles politiques et intellectuels. Mais certains pensent qu’il est encore possible d’éviter le pire à Israël et souhaitent provoquer un sursaut de leur gouvernement. C’est le sens de l’initiative de paix israélienne lancée en avril par une cinquantaine de personnalités indépendantes.

S’inspirant de la proposition saoudienne de 2002, le plan vise une normalisation des relations entre Israël et le monde arabe qui serait conditionnée à un accord avec les Palestiniens. Cette approche implique la restitution des territoires occupés après le 4 juin 1967 : Jérusalem-Est, la Cisjordanie et le plateau du Golan. Consensuel et pragmatique, le document reconnaît « les souffrances des réfugiés palestiniens depuis la guerre de 1948 », auxquels il serait proposé une indemnité financière. En outre, l’initiative propose des mesures collectives relatives à la sécurité régionale, ainsi que divers projets de coopération qui permettraient la création d’un « bloc de développement économique du Moyen-Orient ».

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Mais la véritable surprise vient des promoteurs de ce plan, au rang desquels figurent plusieurs ténors de l’establishment sécuritaire israélien. On retrouve notamment le général Amnon Lipkin-Shahak, ancien chef d’état-major de Tsahal, ou encore Yaakov Peri et Danny Yatom, qui furent longtemps à la tête du Shabak et du Mossad, les deux grands services de renseignements. Ils ont, depuis, été rejoints par d’illustres vétérans du « camp de la paix », à l’instar du travailliste Amram Mitzna et de Dalia Rabin, fille du Premier ministre assassiné.

Saluée par les États-Unis et l’Union européenne, cette initiative a également obtenu les faveurs du monde arabe. Le 19 mai, une délégation emmenée par le diplomate israélien Dan Gillerman était reçue au Caire par le ministre égyptien des Affaires étrangères et nouveau secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, très en vue depuis qu’il a scellé la réconciliation entre le Fatah et le Hamas. Ces signaux encourageants ne semblent pourtant pas émouvoir Netanyahou. « En dépit des efforts que nous avons entrepris, le Premier ministre israélien ne nous a pas rencontrés », déplore Yaakov Peri. Reste que le message de paix a été transmis : « Nous espérons qu’il poussera notre leadership à reprendre l’initiative. »

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