L’infiltration d’un Syrien à Tel-Aviv

L’histoire insolite d’un descendant de réfugié palestinien qui est parvenu à s’infiltrer dans l’État hébreu et à rejoindre la métropole israélienne… en transports en commun.

Hassan Hijazi entouré de policiers israéliens après son interpellation, le 16, à Jaffa. © Ben Kelmer/AFP

Hassan Hijazi entouré de policiers israéliens après son interpellation, le 16, à Jaffa. © Ben Kelmer/AFP

perez

Publié le 17 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

Un modeste bermuda à carreaux, une chemise beige froissée et un air incroyablement naïf, telle est l’allure de Hassan Hijazi, 28 ans, nouveau héros arabe malgré lui. Ce citoyen syrien, employé au ministère de l’Éducation à Damas, a réussi avec une étonnante facilité ce qu’aucun fedayin palestinien ou combattant du Hezbollah, pourtant rodés aux techniques d’infiltration, n’était parvenu à faire en plusieurs décennies de lutte contre Israël.

Dimanche 15 mai, profitant du chaos provoqué par les manifestations à l’occasion de l’anniversaire de la Nakba (« la catastrophe ») sur le plateau du Golan, Hassan a franchi la frontière syro-israélienne et s’est rendu jusqu’à Tel-Aviv, à 200 km, sans être inquiété un seul instant dans son périple.

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« Je m’attendais à ce que des milliers d’autres personnes arrivent ici, comme cela avait été convenu sur Facebook », déclare-t-il aux journalistes venus à sa rencontre, quelques instants avant son arrestation.

Hassan Hijazi est l’un de ces nombreux activistes du web qui rêvent de voir les révolutions arabes aboutir à une grande révolte dans les territoires occupés. Pour marquer l’exode des Palestiniens en 1948 et revendiquer leur droit au retour, ils s’étaient donné rendez-vous aux frontières de l’État hébreu, persuadés que les forces de sécurité israéliennes seraient incapables de contenir de gigantesques marées humaines. De Gaza à Maroun al-Ras, au Sud-Liban, les cybermanifestants sont arrivés à pied ou par autobus entiers, prenant littéralement d’assaut grillages et barbelés les séparant du territoire israélien. Logiquement, leur tentative a tourné au face-à-face avec Tsahal : les commémorations de la Nakba ont fait 13 morts et des centaines de blessés.

"Ma ville d’origine"

Sur la partie occidentale du Golan, une région montagneuse annexée par Israël en 1981, la foule n’a pas été repoussée tout de suite. Hassan Hijazi s’introduit en Israël avant l’arrivée des premiers soldats. Il pénètre d’abord à Majdal Shams, une localité de 8 000 habitants qui jouxte la « colline des cris », là où des familles druzes syriennes et israéliennes, séparées par une frontière depuis la guerre des Six Jours, ont l’habitude de s’échanger des messages en hurlant. Après s’être ravitaillé sur la place du village, il accoste des pacifistes étrangers qui regagnent leur minibus. « Je veux voyager avec vous, leur dit-il. Mon rêve est d’aller à Jaffa, ma ville d’origine. » Le groupe accepte de prendre le clandestin à bord, mais le dépose à mi-chemin sur le principal axe routier qui sillonne le littoral israélien. Hassan Hijazi ne se décourage pas. Avec un anglais approximatif et la poignée de shekels qu’il s’était procurée, le jeune intrépide utilise les transports publics pour rejoindre sa destination.

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Il alerte la presse

Dans le pays du tout-sécuritaire, en état d’alerte pour la journée de la Nakba, le comportement de Hassan n’éveille aucune suspicion, pas même celle des militaires en permission qu’il croise dans l’autobus le menant à Tel-Aviv. Arrivé à Jaffa, limitrophe de la métropole israélienne, il se promène de longues heures sur le port à la recherche de la maison de son grand-père, un réfugié palestinien. Finissant par réaliser qu’il est seul, le Syrien contacte un reporter de la chaîne Al-Arabiya, lequel alerte aussitôt la télévision israélienne. En quelques minutes, une horde de journalistes se rue sur Hassan Hijazi. Devant les flashs qui crépitent, il exhibe sa carte d’identité syrienne et adresse un « V » triomphal. « C’est notre terre, ce n’est pas Israël, c’est la Palestine, s’exclame-t-il, avec une implacable sérénité. Je ne repartirai pas d’ici. » Son visage barbu apparaît sur tous les écrans de télévision. « C’est un geste symbolique de ma part, la vraie victoire viendra par des moyens militaires », ajoute-t-il, avant que deux policiers ne viennent l’interpeller. Après deux jours d’interrogatoire et une comparution au tribunal, il a été reconduit vers son pays.

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