Moeletsi Mbeki : « Jacob Zuma n’est pas très efficace »
Moeletsi Mbeki critique le bilan du président Sud-Africain Jacob Zuma, mais croit en ses chances de réélection à la tête du parti. Selon le frère de l’ancien président et économiste à l’Institut sud-africain des relations internationales, l’ANC aura du mal à reconquérir une partie de l’électorat noir et urbain, séduit par l’opposition
Jeune Afrique : Le déclin du Congrès national africain (ANC) lors des dernières élections municipales est-il inquiétant ?
Moeletsi Mbeki : C’est une tendance lourde. Lors des élections générales de 2004, l’ANC avait remporté 70 % des suffrages. Pour les suivantes, en 2009, il avait conservé une majorité des deux tiers. Cette fois, il semble l’avoir durablement perdue. Dans le détail, il perd des voix dans les grands centres urbains, alors que l’Alliance démocratique (DA) progresse dans ces zones. Cela montre qu’il y a maintenant un nombre significatif d’électeurs noirs qui votent pour l’opposition.
Cela me rappelle ce qui s’est passé au Zimbabwe : la chute de la Zanu-PF [le parti du président Robert Mugabe, NDLR] avait aussi commencé avec la perte de l’électorat urbain.
Qui sont ces électeurs qui ont changé de camp ?
Ce sont essentiellement des personnes noires et pauvres, mais qui ont un travail. Pendant la campagne des municipales, la DA s’est beaucoup déplacée dans les townships. On a vu la chef du parti, Helen Zille, à Soweto, où elle a reçu un très bon accueil.
Pour enrayer cette chute, l’ANC va-t-il devoir changer de ligne politique ?
Ce sera très compliqué parce que sa base électorale est constituée de pauvres très dépendants des prestations sociales. Ils représentent environ 15 millions de personnes. L’ANC ne peut pas changer de politique économique : si l’inflation augmentait, cela diminuerait la valeur des prestations. Comme par ailleurs la production industrielle et agricole est en déclin, les importations sont en hausse. Le parti doit donc maintenir un rand fort, sous peine de voir le pouvoir d’achat des ménages baisser encore plus.
Comment jugez-vous le bilan de Jacob Zuma après deux ans au pouvoir ?
Jacob Zuma a l’air très inefficace et il n’a pas eu une seule idée originale. Son arrivée à la présidence s’explique par l’histoire de l’ANC, pas par ses compétences. Les politiques actuelles sont les mêmes que celles qui avaient été mises en place par Thabo Mbeki.
Quelles sont ses chances d’être réélu à la tête du parti ?
Très bonnes, à mon avis. Il est excellent dans les jeux d’alliance à l’intérieur de l’ANC. Et l’une de ses contributions majeures a été de reprendre la province du Kwazulu-Natal au Parti Inkhata de la liberté [IFP, nationalistes zoulous]. Il en a fait son bastion et cela va être un levier très puissant pour lui.
L’alliance de l’ANC avec la Cosatu et le Parti communiste pourrait-elle éclater ?
La Cosatu n’a pas réussi à peser sur l’orientation des politiques économiques. Alors, pour conserver l’alliance, l’ANC s’appuie sur ses leaders en leur offrant des postes au gouvernement, au Parlement, etc. Cela tient, pour l’instant.
Êtes-vous optimiste sur l’avenir de l’Afrique du Sud ?
Avec un taux de croissance de 3 % à 4 %, l’Afrique du Sud ne risque pas de s’effondrer comme le Zimbabwe. Mais il faudrait de gros changements pour atteindre 8 % ou 9 % et régler réellement le problème de la pauvreté. La structure sociale sud-africaine est un obstacle, tout comme les monopoles, qui bloquent la montée de nouveaux entrepreneurs. Prenez par exemple la bière : le marché était dominé par South Africa Breweries (SAB) jusqu’à l’entrée sur le marché de Heineken. Cela ne change rien : on passe seulement d’un monopole à un duopole.
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Propos recueillis par Pierre Boisselet.
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