Égypte : Boutheina Kamel, la femme pressée

Réputée pour son franc-parler, la bouillonnante journaliste Boutheina Kamel a créé la sensation en annonçant sa candidature à la prochaine élection présidentielle égyptienne.

L’ancienne animatrice de radio Boutheina Kamel. © D.R.

L’ancienne animatrice de radio Boutheina Kamel. © D.R.

Publié le 10 juin 2011 Lecture : 2 minutes.

Le temps de Boutheina Kamel est précieux. Au téléphone, elle nous explique qu’elle doit prendre un train pour la Haute-Égypte. Depuis plusieurs semaines, elle fait le tour des provinces au pas de charge. Et a déjà récolté un tiers des 30 000 signatures dont elle a besoin pour se présenter, sous l’étiquette « indépendant », à l’élection présidentielle prévue à la fin de 2011.

« Ma simple candidature, en tant que femme, est un geste important qui rappelle que nous avons le droit de nous présenter », affirme-t-elle, en soulignant le fait que les Égyptiennes « ont participé à toutes les étapes de la révolution ». En 2004, la féministe Nawal el-Saadawi avait souhaité se porter candidate. Mais les conditions imposées par la Constitution – taillée sur mesure pour Moubarak – étaient telles qu’elle ne put aller jusqu’au bout.

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Boutheina Kamel ne représente pas uniquement les femmes. « Ma candidature, martèle-t-elle, prouve aussi que tous les citoyens, même ceux qui sont faibles et marginalisés, peuvent participer à la vie politique. Mon programme reprend les revendications exprimées place Al-Tahrir. » Sa priorité : lutter contre la pauvreté et la corruption, qui sont, selon elle, les principaux obstacles à la démocratie.

« Etouffer nos voix »

Cette ancienne journaliste, diplômée en commerce, s’était rendue célèbre dans les années 1990 avec son émission Confessions nocturnes, diffusée sur la radio publique. Elle y abordait ouvertement certains sujets tabous, comme l’avortement. Aujourd’hui, elle continue de briser les interdits. Et n’hésite pas à critiquer la manière dont le Conseil suprême des forces armées dirige le pays. « L’armée n’a pas à se mêler de politique », déclare-t-elle, le 10 mai, lors d’une émission télévisée… qui sera écourtée à la demande de la direction. « On essaie d’étouffer nos voix », dit-elle à propos des médias qui « ne font preuve d’aucun professionnalisme et ne jouissent d’aucune liberté ».

Plusieurs personnalités lui ont déjà apporté leur soutien, dont Ahmed al-Sayed al-Naggar, célèbre économiste égyptien, qui l’a aidée à élaborer son programme économique. Celle qui est redevenue étudiante pour obtenir une licence de droit peut également compter sur Zakaria Abdel Aziz ou encore Ashraf al-Baroudi, deux magistrats indépendants connus pour leur intransigeance à l’égard de l’ancien régime.

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Prématuré ?

Mais si certains soutiennent sa démarche, d’autres s’interrogent sur ces candidats « présumés » qui, comme elle, vont un peu vite en besogne. « Il n’y a pas encore de date pour la présidentielle que déjà, plusieurs candidats sont apparus. Preuve que nous vivons toujours à l’ère du Pharaon. On pense que c’est au président que revient tout le pouvoir, alors que, l’épicentre du pouvoir se trouve au Parlement », s’exclame Essam al-Erian, porte-parole des Frères musulmans.

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Il n’empêche que pour Zeinobia, blogueuse égyptienne, l’ancienne animatrice de radio et femme de l’actuel ministre de la Culture est « une figure importante » de la vie politique. « Sa candidature est une manière symbolique de montrer que la femme peut participer à la vie publique. » Mais la société égyptienne n’est pas encore prête à accepter une femme président, déplore-t-elle.

Affirmation que la journaliste récuse totalement : « Qui aurait imaginé qu’une révolution éclaterait en Égypte ? » rétorque-t-elle. Le 28 janvier, Boutheina Kamel était place Al-Tahrir pour réclamer « le pain, la liberté et la dignité humaine ». Elle en a fait le slogan de sa deuxième révolution. Qu’elle entend accomplir par les urnes, cette fois.

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