Agro-industrie : la palme de l’opacité
Produite dans de petites exploitations, notamment en Malaisie et en Indonésie, transformée par de nombreux intermédiaires, l’huile de palme offre peu de garanties sur sa provenance comme sur son impact environnemental. Et les choses peinent à bouger.
Qu’il s’agisse des effets néfastes de sa production sur l’environnement (déforestation sauvage) ou de son impact sur la santé (présence d’acides gras saturés), l’huile de palme n’en finit pas d’être décriée. Utilisée pour la fabrication de nombreux produits (savon, barres chocolatées, biocarburants, poissons panés…), elle concentre désormais les critiques sur les difficultés à réunir des garanties sur son origine et les conditions de sa fabrication. Un vrai casse-tête pour les industriels.
Au départ, il y a les fruits récoltés dans les plantations tropicales – 85 % proviennent de Malaisie et d’Indonésie – et que l’on presse dans des moulins. L’huile extraite est ensuite raffinée, avant de subir encore plusieurs traitements pour être enfin prête à l’emploi. Une succession d’étapes réalisées par des intermédiaires qui sont autant d’occasions de mélanger différentes productions, qu’elles soient fabriquées selon le respect de règles environnementales et sociales ou non.
Dans ce contexte, s’assurer de la provenance de l’huile est une gageure, tant il existe de producteurs. En Malaisie et en Indonésie, 20 % des plantations appartiennent à plus de 3 millions de petits exploitants. Une atomisation du marché que l’on retrouve aussi à l’autre bout de la chaîne, chez leurs clients industriels. Le néerlando-britannique Unilever, qui est le plus important acheteur du marché, consomme seulement 3 % de ce qui est produit mondialement.
De fait, il est presque impossible de déterminer d’où provient l’huile de palme utilisée dans la fabrication d’une barre chocolatée lambda. Au cours des douze derniers mois, seulement 3 millions de tonnes ont été identifiées, sur une production mondiale de 46 millions. Au plan environnemental, la question est très préoccupante.
Car la demande d’huile de palme, de 30 % à 40 % moins chère que ses concurrentes (huiles de tournesol, de soja, d’olive…), a quasi doublé au cours de la décennie écoulée, poussant les producteurs à défricher. Après l’Asie, l’Afrique attire toutes les convoitises. Il recèlerait un potentiel de 201,5 millions d’hectares, soit seize fois la superficie cultivable en Indonésie et en Malaisie. Mais le développement des plantations est préoccupant, au vu des conclusions de certaines études. Selon l’Académie des sciences américaine, les nouvelles plantations réalisées au début des années 2000 dans la péninsule malaisienne, à Bornéo et à Sumatra, ont par exemple produit plus de gaz à effet de serre que le secteur des transports chinois en 2007.
Système de crédits
Conscients de l’enjeu, des planteurs, des transformateurs, des industriels, des distributeurs et des ONG ont formé un consortium, Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO), pour favoriser la production « responsable » d’huile de palme par tous les acteurs de la filière, des agriculteurs aux multinationales comme Nestlé ou Unilever. RSPO certifie le respect d’un code de conduite pour plus de 550 membres. Depuis sa création, il prône aussi l’amélioration des rendements plutôt qu’une agriculture extensive consommatrice de terres. Mais la démarche est lente et son label concerne moins de 10 % de la production mondiale.
Face à la difficulté d’encadrer toute une filière, RSPO a inventé en parallèle le programme « Green Palm » pour les seuls producteurs d’huile, avec un système de crédits, à l’exemple des crédits carbone, qui favorise l’émergence d’une production écologiquement et socialement responsable. Ces crédits s’achètent aux producteurs sur une bourse d’échange. Ces derniers peuvent ainsi valoriser leurs bonnes pratiques même si leurs produits sont ensuite mélangés. Mais toutes ces contraintes et le fait que de nombreux acteurs ne jouent pas le jeu compromettent l’engagement des agro-industriels d’utiliser 100 % d’huile de palme certifiée avant 2015.
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Louise Lucas et Julien Clémençot ©Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés.
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