Sacs en plastique : le marché s’emballe
De nombreux pays interdisent désormais les conditionnements non biodégradables, un business estimé à 4 milliards d’euros sur le continent. Entre les sociétés proposant des alternatives, la compétition est lancée.
Botswana, Kenya, Tanzanie, Afrique du Sud, Rwanda, Maroc, Ghana, Congo, Gabon et, à partir du 5 juin, Togo… Plus qu’une tendance, c’est une vague de fond. L’Afrique se lance dans la chasse aux emballages non biodégradables, véritable fléau dont les sacs en plastique échoués sur tout le continent sont devenus un symbole encombrant. À Kigali début mai, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) a annoncé réfléchir à une loi pour interdire leur utilisation dans ses cinq États membres. Elle s’attaque à un business lucratif : sur le continent africain, le marché de l’emballage plastique peut être estimé à quelque 4 milliards d’euros par an.
Fabriquées à base de pétrole, les « fleurs du Sahel » – comme on les appelle dans les pays de la bande sahélienne – sont aussi accusées de gaspiller une matière première de plus en plus chère. L’interdiction de la production et de l’importation des emballages plastique a donc des motivations économiques autant qu’écologiques. Mais sa mise en œuvre est loin d’être une sinécure. Solide, étanche, sans danger pour la santé lorsqu’il est traité pour le contact alimentaire, le plastique possède des propriétés qui en font un matériau difficilement remplaçable, notamment dans l’industrie agroalimentaire.
"Inévitable"
Pourtant, une poignée de sociétés à travers le monde proposent des alternatives et se battent déjà sur un marché balbutiant, dont l’Afrique fait partie. « Depuis deux ans, nous exportons exclusivement des sacs biodégradables ; c’était devenu inévitable », explique ainsi le dirigeant d’une société française qui achemine vers le continent quelque 1800 tonnes d’emballages alimentaires par an, pour un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros.
Deux technologies imparfaites
Aucune des deux options ne fait l’unanimité. La communauté scientifique est divisée sur les matériaux oxo-biodégradables. « Nous avons du mal à croire qu’un polymère purement chimique soit totalement assimilé par la nature », explique Kathleen Serna, assistante de recherche au centre français Carma. La technologie a cependant été validée par le professeur Jacques Lemaire, ancien directeur de laboratoire au CNRS. Quant aux bioplastiques, accusés d’utiliser des terres cultivables pour la production de leur matière première végétale, leur dégradation rapide ne s’effectue que dans certaines conditions de température et d’humidité. Il faudra donc organiser une collecte, même si, au bout du compte, « ils finiront par disparaître », assure Kathleen Serna.
Deux alternatives technologiques, conservant globalement les propriétés des emballages actuels, sont en lice. La première utilise, totalement ou partiellement, des matières végétales, issues de l’amidon de maïs ou de pomme de terre. Seuls hic : son prix – environ 30 % de plus qu’un sac classique – et la pression sur les cultures alimentaires que pourrait exercer son déploiement à grande échelle. Pour produire 200 000 t de ces « bioplastiques », il faut entre 250 000 et 300 000 t de matières premières végétales. « En théorie, les bioplastiques sont une bonne technologie, explique Peter Skelton, de l’organisme britannique Waste and Resources Action Programme, mais dans la pratique, il y a beaucoup de barrières. »
Face aux bioplastiques, la technologie dite « oxo-biodégradable » a pris de l’avance et est en passe de s’imposer dans le paysage africain. Le japonais P-Life, l’américain EPI ou encore le britannique Symphony Plastics sont en course pour rafler les marchés du continent. Leur solution, présentée comme quasi miraculeuse, est un additif chimique qui s’incorpore à hauteur de 1 % dans le plastique et permet de casser la chaîne moléculaire au bout de une à trois années. Conséquence : le sac jeté en pleine nature se décompose. Il serait complètement absorbé par les micro-organismes présents dans le sol ou l’eau. Le marché potentiel pour cette substance sur le continent dépasserait les 330 millions d’euros par an.
Premiers pas
Au Maroc – 3 milliards de sacs en plastique par an –, Symphony Plastics a ainsi remporté un marché annuel de 1 million d’euros. Depuis une année, le groupe Label’Vie, qui détient la franchise Carrefour au Maroc, a adopté sa technologie pour produire ses sacs. « Le surcoût final est de 10 % à 15 % maximum », explique Philippe Michon, représentant pour l’Afrique de la société cotée au London Stock Exchange.
Difficile de remplacer un matériau solide, étanche et sans danger pour la santé.
L’oxo-biodégradable séduit. Des entreprises au Cameroun et en Côte d’Ivoire, au Rwanda et au Gabon figurent parmi les autres clients de Symphony Plastics, pour un chiffre d’affaires africain annuel d’environ 5 millions d’euros. « Un début, estime Philippe Michon, car beaucoup de pays n’en sont qu’au stade de la mise en place d’une législation. » Lors des journées de sensibilisation aux effets néfastes du plastique organisées à Lomé fin mai, la société était présente, se positionnant déjà pour conquérir ce nouveau marché. La compétition ne fait que commencer.
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