Un pactole de 150 milliards de dollars en 2015
L’Afrique franchit un cap. Les milieux d’affaires en sont convaincus, et les chiffres le prouvent. Entre 2003 et 2010, les investissements directs étrangers ont bondi de 87 %. Et ce n’est qu’un début.
L’Afrique en rouge et blanc. Aux couleurs de Coca-Cola. C’est pour bientôt. Car si la firme d’Atlanta étend méticuleusement sa toile sur le continent depuis plusieurs décennies déjà, sa stratégie de conquête des consommateurs africains est loin d’être achevée. « L’Afrique écrira la grande page de l’histoire de la décennie à venir, comme l’ont fait la Chine et l’Inde dans les années passées. Déjà, notre présence sur le continent est bien plus importante que dans ces deux grands pays. Être présent en Afrique sera beaucoup plus pertinent à l’avenir », s’enthousiasme Muhtar Kent, l’homme d’affaires américano-turc qui dirige l’empire Coca-Cola depuis 2008.
Engouement
Patron d’une multinationale qui a prouvé qu’elle ne se lançait jamais au hasard dans la conquête de nouvelles bases commerciales, Muhtar Kent partage cet engouement avec de plus en plus de chefs d’entreprise, à New York, New Delhi ou Londres. Jamie Dimon, le patron de JP Morgan, a fait part de l’intérêt de la banque d’affaires américaine pour le Ghana, nouvelle puissance pétrolière. À Londres, le fonds Helios Investment Partners, fondé par des Nigérians, est sur le point de boucler la levée de 900 millions de dollars (640 millions d’euros) : ce sera la plus importante opération de ce type destinée à l’Afrique. Une initiative qui intervient au moment où Carlyle, le plus puissant fonds d’investissement américain, débarque en Afrique du Sud et au Nigeria. « Les marchés sont saturés pour de nombreuses industries dans les pays développés, à l’inverse de l’Afrique, en pleine croissance. La question n’est pas de savoir quand vous devrez faire des affaires avec l’Afrique, mais comment », confirme Leslie Rance, directeur général pour l’Afrique de l’Est de British American Tobacco.
L’Afrique, nouvelle terre d’investissement
Le mot d’ordre claque comme un slogan publicitaire depuis la crise de 2008. Relayée de colloques internationaux en assemblées générales du FMI ou de la Banque mondiale, de G8 en G20, cette formule incantatoire se traduit-elle réellement dans les faits ? « Nous avons fait l’objet d’un intérêt massif de la part de clients chinois, indiens, du Moyen-Orient, américains ou européens. Au total, plus d’une centaine de chefs d’entreprise sont venus nous voir en 2010 dans notre centre d’affaires africain pour nous exposer leur stratégie de croissance sur le continent, explique au Financial Times Michael Lalor, directeur d’Ernst & Young (E&Y) en Afrique du Sud. Les années passées, nous étions particulièrement satisfaits quand ils étaient cinq à dix à venir nous voir… en une année. »
Un bémol : dix pays attirent à eux seuls plus de 70% des IDE à destination du continent.
Pour le cabinet d’audit américain, cela ne fait aucun doute : « L’heure de l’Afrique est venue », titre un rapport d’E&Y sur l’attractivité du continent, publié en mai. Le document fait le point sur les investissements directs étrangers (IDE) depuis 2003. D’après ce recensement, les nouveaux projets d’IDE sont passés de 338 en 2003 à 633 l’an passé – soit une progression de 87 % en sept ans – et ont créé 1,6 million d’emplois. Et le mouvement n’est pas près de faiblir. Une forte croissance de nouveaux projets est attendue à partir de 2012. Selon les projections opérées par E&Y, le flux des IDE pourrait atteindre les 150 milliards de dollars d’ici à 2015. Avec, à la clé, la création d’environ 350 000 emplois supplémentaires.
Convaincus
Le rapport du cabinet se double d’un sondage qui confirme la tendance. Réalisé auprès de 562 dirigeants d’entreprises de 38 pays, il porte sur leur stratégie d’investissement. Pour 68 % d’entre eux, « l’Afrique est devenue plus attractive ». Et ils sont 43 % à affirmer qu’ils investiront sur le continent dans les années à venir. Les patrons des pays émergents sont les plus convaincus : 74 % estiment que l’Afrique est une destination d’investissement plus attrayante depuis ces trois dernières années. Déjà, leurs investissements ont progressé de 13 % par an en moyenne sur le continent, passant de 100 à 240 projets entre 2003 et 2010. Et si les industriels occidentaux sont encore les premiers à miser sur l’Afrique, leurs homologues du Sud assurent désormais 38 % des IDE, contre 30 % en 2003. Ils vireront en tête du classement après 2023, selon les projections d’E&Y.
Seul bémol : dix pays seulement profitent réellement de cet engouement. L’Afrique du Sud, l’Égypte, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, le Nigeria, l’Angola, le Kenya, la Libye et le Ghana ont attiré plus de 70 % des IDE entre 2003 et 2010. À l’inverse, tous ces projets d’investissement contribuent peu à peu à la diversification de l’économie du continent, les mines et le pétrole ne représentant plus l’horizon indépassable des IDE en Afrique (voir infograhie ci-dessous).
La croissance du PIB africain – de 5 % par an en moyenne au moins jusqu’en 2015 –, la hausse des prix des matières premières et la montée d’une classe moyenne de plus de 300 millions d’individus favoriseront l’attractivité du continent, qui sera l’un des points les plus dynamiques de l’économie mondiale dans les années à venir. Mais rien n’est acquis. Malgré son attractivité incontestable, il n’a attiré que 4,5 % des IDE mondiaux en 2010. De plus, la destination Afrique sera de plus en plus confrontée à la concurrence d’autres pays émergents. Aujourd’hui, elle accueille moins de projets que la Chine ou l’Inde, mais davantage que la Russie ou le Brésil. La bataille des IDE sera impitoyable.
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