L’intégration africaine, entre espoir et utopie

Président de Pax Africana, ancien secrétaire général de l’OUA, ex-Premier ministre du Togo

Publié le 7 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

L’idée de l’intégration africaine ne serait-elle qu’un serpent de mer ? La succession des crises, politiques, économiques et sociales, qui affectent le continent pourrait le laisser croire. Edem Kodjo, créateur de Pax Africana, est pourtant persuadé du contraire. La fondation qu’il préside a organisé à Lomé, du 17 au 19 mai, un colloque sur le thème de l’intégration comme facteur de la renaissance africaine.

« Lorsque j’ai lancé la fondation Pax Africana, en décembre 2010, je lui ai assigné un double objectif : celui de travailler sur le continent africain à la paix et au développement. Depuis, elle a fait son chemin. Après un premier forum consacré à la paix, nous avons organisé à Lomé, au Togo, du 17 au 19 mai 2011, un colloque qui a réuni, outre de nombreuses personnalités du monde entier, trois anciens chefs d’État africains (le Ghanéen Jerry Rawlings, le Sud-Africain Thabo Mbeki et le Nigérian Olusegun Obasanjo), ainsi que l’actuel président de la République togolaise, Faure Gnassingbé. Le thème en a été « l’intégration comme facteur de la renaissance africaine ».

la suite après cette publicité

Contrairement à ce que certains prétendent, l’intégration africaine n’est pas un serpent de mer : c’est une mystique. Il ne s’agit pas, pour nous, de rabâcher de vieilles histoires de pères fondateurs. Il s’agit de sauvegarder dans l’esprit des générations africaines, actuelles et futures, la conviction que cette mystique finira par se traduire dans les faits. Même si le continent est vaste, même si les populations sont diverses, et même si certains sont tentés de parler « des Afriques » au lieu de « l’Afrique ». L’important, c’est que cette mystique existe et perdure.

Comment la traduire dans les faits ? D’une part, en faisant en sorte que les populations s’approprient réellement l’idée de l’intégration, ce qui n’est pas encore le cas. D’autre part, en misant sur le secteur privé. Car les meilleurs exemples d’intégration en Afrique, aujourd’hui, sont le fait du secteur privé. Celui d’Ecobank, qui a pu s’installer et fonctionner dans trente pays différents, est éloquent. Il prouve que les intérêts, par-delà les frontières, commencent à être complémentaires. Dès lors, pourquoi ce qui a marché au niveau de la banque ne marche-t-il pas aussi dans les domaines de l’alimentation, des télécommunications ou des transports par exemple ?

Parce que les communautés économiques régionales avancent trop lentement. C’est ainsi qu’un passeport de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) existe bien, mais ne permet pas pour autant aux citoyens de la zone de franchir une frontière sans tracasseries de toutes sortes. Les communautés économiques, par ailleurs, se sont trop souvent empêtrées dans des questions de règlements de conflits, en oubliant que leur vocation première était la construction d’économies régionales solides.

Et puis, l’intégration ne se fait pas uniquement par l’économie. Elle est aussi le fait du politique. Or, au niveau de l’Union africaine, si le dossier est ouvert, il n’avance pas. Pour ma part, je crois que l’on peut – et que l’on doit – réussir une intégration politique régionale avant de rechercher des modus vivendi à l’échelle continentale.

la suite après cette publicité

L’exemple des ex-AOF et ex-AEF (Afrique-Occidentale française et Afrique-Équatoriale française) m’a toujours frappé. Ces organisations constituaient un capital qu’il aurait fallu ne pas gaspiller. On peut regretter que l’indépendance ait été donnée aux États membres et non pas à ces entités elles-mêmes. Pourquoi avaient-elles réussi ? Parce qu’elles étaient régies par une volonté ferme : celle du colonisateur. Lequel avait compris que, sans regroupement de pays, certains ne survivraient pas. Cette expérience-là (ne serait-ce que celle-ci…), pourquoi ne saurions-nous pas la renouveler ? »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires