Quand Guéant détrône Hortefeux
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 30 mai 2011 Lecture : 2 minutes.
Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, est, paraît-il,un homme charmant. Il suffit de le regarder, d’ailleurs, pour s’en convaincre : physique de premier de la classe, mèche soigneusement peignée sur le côté, fines lunettes cerclées, voix douce qui ne se prête jamais aux éclats… On ne lui connaît aucun vice. On raconte même qu’il éprouve une certaine appétence pour l’Afrique, contrairement à son patron, Nicolas Sarkozy.
Il se trouve que je ne connais pas Claude Guéant. Mais on m’a toujours dit, à Abidjan, Alger ou Dakar, le plus grand bien de celui que l’on surnommait, lorsqu’il était encore secrétaire général de l’Élysée, le Cardinal. « Courtois », « sérieux », « travailleur », « objectif », « sincère », « disponible », « sans lui, Sarkozy serait perdu » : n’en jetez plus, un homme rare en somme…
Que diable lui est-il donc arrivé ? À force de multiplier les saillies nauséabondes sur les « musulmans trop nombreux », les immigrés dont la France n’a aucun besoin et qui donnent l’impression aux (vrais) Français de « ne plus être chez eux », ou l’échec de l’intégration (« deux tiers de l’échec scolaire en France, c’est les enfants d’immigrés », ce qui, au passage, est un mensonge éhonté qui en dit long sur l’irresponsabilité de notre ministre…), il va finir par nous faire regretter son prédécesseur et,du moins jusqu’ici, champion toutes catégories du dérapage verbal, Brice Hortefeux.
Mais ne soyons pas naïfs, Guéant est en service commandé. Sa mission : braconner sur les terres du Front national (FN) de Marine Le Pen dans la perspective de la présidentielle de 2012. Il n’empêche. Le Premier ministre, François Fillon, tient lui aussi un discours de fermeté – sur l’immigration clandestine, par exemple –, mais il se garde bien de verser dans la chasse permanente au bouc émissaire et les propos insupportables.
À la guerre comme à la guerre, diront certains. Nicolas Sarkozy, en rase-mottes dans les sondages, joue à quitte ou double pour assurer sa réélection. Tous les moyens sont bons, y compris désigner les immigrés comme les responsables de tous les maux du pays. Roms, identité nationale, déchéance de la nationalité, laïcité, islam, niqab, quotas… À force de creuser, il va finir par trouver du pétrole ! A-t-il déjà oublié qu’en 2007, lorsqu’il était ministre… de l’Intérieur, le candidat Sarkozy avait séduit une frange importante des électeurs issus de l’immigration par son volontarisme, sa politique de discrimination positive, son souci de mettre fin à la double peine ou de donner à l’islam de France une représentation officielle ? Sauf à considérer que les Français qui ne sont pas « de souche » ne votent pas, ce qui serait une erreur politique majeure, ses chances de rééditer cette performance en 2012 semblent proches du néant. Et si les électeurs du FN préfèrent l’original à la copie…
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