Algérie : un binôme pour les réformes

Le président Bouteflika charge Abdelkader Bensalah et Mohamed Seghir Babès de conduire les consultations dans la perspective d’une « profonde » révision de la Constitution algérienne.

Mohamed Seghir Babès, président du Cnes. © Louiza Ammi

Mohamed Seghir Babès, président du Cnes. © Louiza Ammi

Publié le 30 mai 2011 Lecture : 4 minutes.

Le processus de réformes politiques, dont une « profonde révision de la Constitution », annoncé par Abdelaziz Boute­flika le 15 avril est officiellement lancé. Pour le conduire, le chef de l’État a choisi deux hommes, chargés notamment d’entamer les consultations, à Djenane el-Mithaq, une résidence d’État sur les hauteurs d’Alger, avec les partis, les personnalités politiques, les partenaires sociaux, ainsi que les organisations de la société civile. Si le choix du président s’est porté sur deux personnalités, c’est parce que les réformes envisagées comportent deux volets. Le premier, éminemment politique, concerne le projet de révision constitutionnelle, l’élaboration d’un nouveau code électoral, d’une nouvelle loi sur les partis, et d’une loi organique sur l’élargissement de la participation féminine dans les assemblées élues locales. Pour préparer cette batterie de mesures visant à consolider la pratique démocratique, Abdelaziz Bouteflika a décidé d’associer à son élaboration l’ensemble de la classe politique, représentée ou non au Parlement. Conduire les consultations, recueillir les propositions et rédiger un rapport qui sera soumis, avant la prochaine rentrée sociale (septembre 2011), à la présidence de la République, telle est la mission confiée à Abdelkader Bensalah, 70 ans, président du Conseil de la nation (Sénat).

Choix controversé

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Le second volet des réformes porte sur le dialogue social, le développement local, le devenir de l’entreprise (privée ou publique) et la modernisation du mode de gouvernance aux plans local et national à travers une plus grande implication de la société civile. Le président en a confié la charge à Mohamed Seghir Babès, 68 ans, président du Conseil national économique et social (Cnes), brillant universitaire et africaniste reconnu. Si le choix de Babès n’a provoqué aucune controverse, celui de Bensalah a fait couler beaucoup d’encre. Né en novembre 1941 sur les hauteurs de Fellaoucène, dans la région de Tlemcen, Abdelkader Bensalah est titulaire d’une licence en droit décrochée en 1966. Boudant les robes noires, il opte pour le journalisme et entame son parcours professionnel comme rédacteur au quotidien arabophone Ech-Chaab (« Le Peuple »), puis comme correspondant au Proche-Orient, basé à Beyrouth. En 1974, il retourne à Alger pour prendre la direction générale d’Ech-Chaab. Deux ans plus tard, l’Algérie se dote d’une Constitution qui prévoit l’instauration d’un Parlement. Bensalah décide alors d’entrer en politique. Élu député en 1977, il prend la tête de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée populaire nationale, un poste auquel il sera reconduit à deux reprises et qui lui ouvre les portes de la diplomatie. En 1989, il est nommé ambassadeur en Arabie saoudite, avant d’être rappelé à Alger pour devenir porte-parole du ministère des Affaires étrangères, puis membre de la Commission du dialogue national, créée en 1993 pour trouver une issue à la crise institutionnelle qui menace les fondements de l’État.

Homme de confiance

L’ancien journaliste devient une célébrité, le dialogue national l’ayant mis en contact avec l’ensemble de la classe politique, les généraux de l’armée – acteurs déterminants dans la vie publique –, ainsi que les personnalités d’envergure nationale. Il hérite, en 1994, de la présidence du Conseil national de la transition (CNT), un parlement croupion dont les membres sont désignés par le pouvoir. En prévision des législatives de 1997, Bensalah fait partie des membres fondateurs du Rassemblement national démocratique (RND, d’Ahmed Ouyahia), « le parti de l’administration », comme le qualifient ses détracteurs. Le RND remporte l’élection et Bensalah se retrouve à la tête d’un Parlement élu.

Sa proximité avec les hautes sphères du pouvoir lui vaut aujourd’hui d’être contesté dans son nouveau statut de « Monsieur Réformes » de Bouteflika. « Nous aurions préféré une personnalité indépendante », déplore Moussa Touati, chef du Front national algérien (FNA, opposition). Un argument balayé d’un revers de main par la présidence de la République. « Il y a apparemment un malentendu. Bensalah n’est pas chargé de mener la révision de la Constitution mais de recueillir des propositions et d’élaborer un rapport destiné au président de la République, assure un conseiller de Bouteflika, et pour ce faire, il est normal que ce dernier choisisse un homme de confiance. » Toujours est-il que Bensalah a entamé, le 21 mai, ses rencontres avec les partis politiques, épaulé par deux conseillers de Bouteflika : le général à la retraite Mohamed Touati et Mohamed Ali Boughazi (lire ci-dessous).

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États généraux

Le choix de Babès est moins controversé. À 68 ans, le président du Cnes jouit d’une excellente réputation. Bardé de diplômes – Sciences-Po Alger (1967), Sciences-Po Paris, chercheur associé à l’Université Laval, au Québec –, Mohamed Seghir Babès a accompli toute sa carrière professionnelle au sein du service public. Ancien directeur général de la Sécurité sociale, il a dirigé le Fonds de participation (holding gérant le portefeuille de l’État) dans le secteur des services. Il a mené de front activités pédagogiques et gestion, recherche fondamentale et mission ministérielle (Santé et population entre 1992 et 1994). En 1999, Bouteflika en fait son conseiller au sein du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), dont il dirige le panel des éminentes personnalités chargées du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep). En 2005, il est élu à la tête du Cnes. C’est à ce titre qu’il a été désigné pour organiser, les 14 et 15 juin, les états généraux de la société civile, ainsi que la concertation pour « définir les objectifs du développement durable et les adapter aux attentes de la population », selon la formule de Bouteflika. Autre mission confiée à Babès : assurer le suivi du développement de l’économie hors hydrocarbures et l’élaboration de recommandations pour rendre plus efficiente l’entreprise algérienne.

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