Ngozi Okonjo-Iweala : « Madame Casse-Pieds » ne s’arrête jamais
Directrice générale de la Banque mondiale, cette économiste aguerrie a été la première femme ministre des Finances du Nigeria. La sécurité alimentaire est actuellement l’une de ses principales préoccupations
Diplômée de Harvard et titulaire d’un doctorat du Massachusetts Institute of Technology (MIT) en économie régionale et développement, l’économiste nigériane rejoint la Banque mondiale en 1982 et y gravit les échelons pendant vingt et un ans. De 2003 à 2006, en tant que ministre des Finances, puis des Affaires étrangères du Nigeria, elle s’efforce de lutter contre la corruption et d’améliorer la gouvernance. Directrice générale de la Banque mondiale depuis le 1er décembre 2007, Ngozi Okonjo-Iweala, 56 ans, mariée et mère de quatre enfants, vit à Washington.
Avez-vous eu une enfance heureuse ?
Ngozi Okonjo-Iweala : Oui et non. Jusqu’à l’âge de 9 ans, j’ai vécu avec ma grand-mère dans un village, pendant que mes parents étudiaient en Allemagne. J’étais une vraie fille de la campagne, faisant les travaux de la ferme. Puis mes parents sont rentrés au pays et sont devenus professeurs d’université.
Durant la guerre du Biafra (de mes 12 ans à mes 15 ans), je ne suis pas allée à l’école, ma famille a perdu tout ce qu’elle possédait et nous avons dû apprendre à ne faire qu’un seul repas par jour. Mon père avait rejoint l’armée du Biafra et nous devions sans cesse fuir. J’ai même failli perdre la vie. Une personne qui se trouvait à côté de moi a pris une balle qui aurait pu m’atteindre.
Comment vous êtes-vous retrouvée à Harvard ?
Je voulais voyager, mais mon père était très strict. Il ne voulait pas que je parte à l’aventure. Je devais gagner ma place dans une grande université, alors j’ai passé les examens d’entrée de Cambridge et de Harvard. J’ai été reçue aux deux, j’ai choisi Harvard.
Est-il vrai que, lorsque vous étiez ministre des Finances, on vous a surnommée « Okonjo-Wahala » (« Madame Casse-Pieds ») ?
C’est un jeu de mot sur mon nom de famille, car je me battais avec beaucoup d’énergie [contre la corruption, NDLR]. Cela étant, soyons clairs : ce n’était pas le combat d’une seule personne, mais celui de toute une équipe et, à l’époque, nous avions un président très impliqué [Olusegun Obasanjo].
Aujourd’hui, quelles sont vos priorités ?
Je travaille sur de nombreux projets : comment mobiliser plus de crédits pour le Fonds de sécurité alimentaire, réduire la volatilité des cours des produits alimentaires, aider les États affectés par des conflits, améliorer l’image de l’Afrique…
De quel succès êtes-vous le plus fière ?
Il me reste tant à faire ! Je suis néanmoins très fière de deux choses. D’abord, et surtout, de mes enfants. Ensuite, de l’allègement de la dette du Nigeria : faire annuler 30 milliards de dollars [environ 25 milliards d’euros d’alors] de dettes, de sorte qu’il n’en restait plus que 5 milliards de dollars à l’époque, m’a pris une énergie considérable – j’y ai gagné des cheveux gris ! –, mais, des années plus tard, je prends encore à peine la mesure de l’exploit que ça a constitué.
Avez-vous des points faibles ?
Plein ! Vous n’avez qu’à demander à mes collaborateurs ! Je gagnerais certainement à être moins impatiente.
Qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ?
L’injustice. Je m’inquiète du nombre de pauvres qu’il y a dans le monde et je veux que ça change.
Quel est votre livre de chevet ?
Le Successeur, d’Ismail Kadaré. C’est un roman remarquable qui se passe à l’époque de la dictature en Albanie.
Est-il plus difficile de parvenir au sommet quand on est une femme ?
Honnêtement, oui. J’ai dû travailler plus dur, y passer beaucoup plus de temps que si j’avais été un homme, et être toujours au sommet de ma forme. Contrairement aux hommes, on ne peut jamais faire une pause. Ce n’est pas facile d’être une femme noire, les portes ne s’ouvrent pas devant vous. Vous devez faire vos preuves chaque jour, mais j’adore ça !
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