Nabil al-Arabi, donner un nouvel élan à la Ligue arabe

Populaire, audacieux, très attaché au droit international, Nabil al-Arabi, le successeur d’Amr Moussa, réussira-t-il à sortir l’institution de sa léthargie ?

Rencontre avec une délégation de l’Initiative israélienne pour la paix, le 19 mai au Caire. © Mohamed abd El Ghany/AFP

Rencontre avec une délégation de l’Initiative israélienne pour la paix, le 19 mai au Caire. © Mohamed abd El Ghany/AFP

Publié le 26 mai 2011 Lecture : 3 minutes.

La somnolente Ligue des États arabes, dont le siège se trouve au Caire, dispose, depuis le 15 mai, d’un nouveau secrétaire général : le bien nommé Nabil al-Arabi (« l’Arabe »). La désignation du ministre égyptien des Affaires étrangères a été acclamée par la foule à l’extérieur du bâtiment. Très populaire, il a fait partie, à la fin de janvier, du comité de trente sages choisi par les jeunes de la place Al-Tahrir pour dialoguer avec les autorités. Intègre, il avait rompu avec le régime Moubarak il y a dix ans : son esprit d’indépendance quand il représentait l’Égypte à l’ONU agaçait.

"État de droit"

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Diplômé en droit international de l’université de New York, Arabi, 76 ans, a été de toutes les grandes négociations internationales auxquelles a participé son pays. En 1978, à Camp David, il n’avait pas hésité à dire au président Anouar al-Sadate qu’il désapprouvait certains aspects du traité de paix en préparation avec Israël. C’est avec Tel-Aviv, encore, qu’il avait ensuite négocié, pied à pied, la restitution de la ville de Taba à l’Égypte. Arabi est aussi profondément légaliste. C’est ce qui l’a poussé à annoncer la levée prochaine du blocus de Gaza, illégal du point de vue du droit international, et à préparer l’adhésion de l’Égypte à la Cour pénale internationale (CPI). « Faire de l’Égypte un État de droit », telle est l’obsession de cet ancien juge à la Cour internationale de justice (2001-2006).

Nommé à la tête des Affaires étrangères le 6 mars, il a secoué en dix petites semaines une diplomatie égyptienne déclinante et sous influence américaine. Première grande victoire : la signature, le 4 mai, d’un accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas palestiniens. Il n’hésite pas ensuite à tendre la main à Téhéran, avec qui Le Caire n’a plus de relations diplomatiques depuis 1980. Une initiative audacieuse qui suscite l’inquiétude à Washington et à Tel-Aviv.

Trop loin et trop vite ?

Certains estiment alors qu’il va trop loin et trop vite. Selon Khaled Saad Zaghloul, du quotidien Al-Ahram, « sa nomination à la Ligue arabe permet de l’éloigner. En période de reconstruction, on a préféré le mettre “au frigo” ». À l’instar de son prédécesseur, Amr Moussa, envoyé à la Ligue en 2001 pour ne plus faire d’ombre à Moubarak. Mais Moussa est aujourd’hui le candidat le mieux placé pour la présidentielle de septembre : tout n’est donc pas perdu pour Arabi sur le plan national. D’autant que celui-ci n’a pas postulé à la Ligue. C’est un candidat proche de Moubarak, Moustapha al-Fiqi, qui était initialement présenté par l’Égypte. Mais, devant les réticences de plusieurs pays et la candidature épouvantail du Qatari Abderrahmane al-Attiya, Arabi a été appelé à la rescousse. Une solution qui permet à ceux qui l’ont convaincu (les militaires ? le gouvernement ? les États-Unis ?) de faire d’une pierre deux coups. Cette fois encore, le secrétaire général de la Ligue sera égyptien.

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Aujourd’hui, Arabi prend la tête d’une institution en crise : report à mars 2012 du sommet initialement prévu à Bagdad en mai 2011, cafouillage verbal après la décision de l’ONU de bombarder la Libye, blocage de la réforme de la charte de la Ligue censée mettre fin à la règle de l’unanimité pour chaque décision… Les chantiers du nouveau secrétaire général sont titanesques. Face à une institution sclérosée et divisée où se côtoient désormais jeunes États « révolutionnaires », vieilles républiques crispées et monarchies pétrolières fort peu démocratiques, Arabi va devoir redoubler d’audace et d’imagination pour faire honneur à son nom.

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