Obama face au « printemps arabe »
Soutien aux transitions démocratiques, promesses d’aide économique, appel à la reprise du processus de paix israélo-palestinien… Deux ans après le discours du Caire, le président américain relance la politique des États-Unis au Moyen-Orient et au Maghreb.
C’est avec une demi-heure de retard due, semble-t-il, à quelques hésitations de dernière minute, que Barack Obama a fait son apparition à midi, dans la salle de conférences du département d’État, à Washington, le 19 mai, pour prononcer son discours sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Cinq mois après le début des révolutions arabes, deux semaines après l’élimination d’Oussama Ben Laden, et alors que se profile la perspective d’une déclaration unilatérale d’indépendance de la Palestine, la position du président américain sur tous ces sujets était très attendue.
Avec le lyrisme dont, ancien avocat, il est coutumier, Obama a rendu un vibrant hommage aux révolutionnaires tunisiens et égyptiens, mis en garde les autocrates les plus intransigeants, promis un engagement économique important des États-Unis et appelé à la reprise des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, dont il souhaite, de manière inédite, la reconnaissance d’un État dans les frontières de 1967.
En juin 2009, avec son discours du Caire, Obama avait voulu donner « un nouveau départ » aux relations entre les États-Unis et les musulmans. Deux ans plus tard, son allocution de Washington ambitionne encore d’ouvrir « un nouveau chapitre de la diplomatie américaine ». Cette diplomatie, Obama la veut plus humble, plus à l’écoute des peuples et moins indulgente envers les régimes autocratiques.
Critiqué pour sa timidité devant les premiers soubresauts des rues tunisienne et égyptienne, le président américain s’est placé clairement du côté des manifestants, contre « la tyrannie de ces gouvernements qui dénient toute dignité à leurs citoyens ».
Mais le soutien aux aspirations démocratiques des peuples ne doit pas être assimilé à la volonté d’exporter le modèle américain : « Tous les pays ne suivront pas nécessairement notre forme particulière de démocratie représentative. » Semblant s’adresser, sans les nommer, aux partis islamistes qui gagnent du terrain sur les scènes politiques égyptienne et tunisienne, il précise : « Les États-Unis respectent le droit qu’ont tous les citoyens pacifiques et respectueux des lois de faire entendre leur voix. Nous sommes parfois en désaccord total avec eux. Mais nous sommes prêts à travailler avec tous ceux qui se rallient à une démocratie véritable et participative. »
L’islamisme radical est, en revanche, fermement condamné, l’élimination de son héraut le plus célèbre coïncidant, estime-t-il, avec le déclin de cette mouvance : « Au moment où nous avons débusqué Ben Laden, une grande majorité des habitants de la région pensait que les idées d’Al-Qaïda menaient à une impasse, et les peuples du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord avaient déjà pris leur avenir en main. » Condamné également, le sectarisme confessionnel qui menace en Égypte, en Syrie et à Bahreïn : « Les chrétiens coptes doivent avoir le droit de pratiquer librement leur culte au Caire, tout comme les chiites ne doivent pas voir leurs mosquées détruites à Bahreïn. »
Hypocrisie iranienne
Prenant en compte les éruptions révolutionnaires, mais aussi les tendances de fond du monde arabe, Obama définit les trois priorités qui guideront sa politique dans la région : démocratisation, développement et paix au Proche-Orient.
Il s’agit tout d’abord de promouvoir les réformes et de soutenir les transitions démocratiques. Dès le début du discours, les autocrates sont mis en garde : « Deux dirigeants ont été écartés. D’autres pourraient suivre. » Premier en ligne de mire, Mouammar Kadhafi « quittera inévitablement le pouvoir ou y sera forcé ». Moins sévère à l’égard de Bachar el-Assad, Obama conseille au président syrien de « conduire la transition ou de se retirer », dénonçant au passage « l’hypocrisie du régime iranien, qui dit soutenir les droits des manifestants à l’étranger, alors qu’il brime ses compatriotes ». À Bahreïn, proche allié des États-Unis, où la contestation chiite est l’objet d’une violente répression, « le gouvernement doit créer les conditions propices au dialogue et l’opposition participer à la création d’un avenir juste pour tous ». Au Yémen, autre pays allié, « la nuit doit finir », dit Obama à l’adresse du président Saleh.
éternel conflit
Le défi est également économique : la paix ne peut être assurée sans le développement. Très attendu sur ce point au moment où s’ouvre la réunion du G8 de Deauville (France), à laquelle sont invitées l’Égypte et la Tunisie, le président américain annonce le versement d’une aide substantielle. Le Caire se voit ainsi remettre 1 milliard de dollars de dettes et garantir la même somme en emprunts pour promouvoir les infrastructures et l’emploi. En Tunisie et en Égypte, des fonds d’investissements seront dotés de 2 milliards de dollars, et la mise en œuvre d’une « grande initiative de partenariat pour le commerce et l’investissement » est annoncée.
Le dernier développement de ce discours est consacré au conflit qui s’éternise entre Israël et Palestine, sujet délicat à l’heure où le Fatah et le Hamas se réconcilient et à la veille d’une visite de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, à la Maison Blanche. Ce passage contient sans doute la déclaration la plus révolutionnaire de ce discours : pour la première fois, les États-Unis déclarent que « les frontières d’Israël et de la Palestine doivent se fonder sur les lignes de 1967 ». Enfin, plaidant pour l’existence d’un État palestinien souverain mais désarmé, Barack Obama s’attire d’ores et déjà les critiques d’une partie de l’opinion arabe.
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