Dr Barack et Mr Dominique
Barack Obama et Oussama Ben Laden se sont tous deux adressés, en ce jeudi 19 mai, au même public.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 23 mai 2011 Lecture : 2 minutes.
Le premier in vivo et en direct depuis le département d’État à Washington, le second dans un message audio posthume enregistré deux semaines avant sa mort, mais diffusé le même jour par Al-Qaïda. Devinette: lequel des deux a dit,martial: « La répression échouera, les tyrans tomberont, la nuit doit finir »? Et lequel des deux, nettement plus poétique: « Les vents du changement vont souffler sur l’ensemble du monde musulman » ? La rhétorique usuelle voudrait que la première phrase émane du chef terroriste défunt et la seconde du 44e président des États-Unis. Erreur: c’est l’inverse. La comparaison s’arrête là bien sûr puisque, tout à sa volonté de replacer l’Amérique du bon côté de l’Histoire dans une région où ses intérêts ont toujours primé sur ses valeurs, Barack Obama ne cherchait évidemment pas à employer un vocabulaire que n’aurait pas renié le reclus d’Abbottabad. Outre cet anecdotique glissement sémantique, ce discours au monde arabe annoncé commemajeur est de la même trempe que ceux prononcés habituellement par son auteur, lequel déçoit rarement en lamatière.Obama a certes plus debonnes intentions que de dollars à dispenser, et l’exercice d’équilibrismedans lequel il excelle quelque soit le sujet le rattrape à chaque paragraphe, mais l’essentiel est dit. Aux chefs d’État arabes: sachez que les réformes démocratiques sont (avec les approvisionnements en pétrole) la nouvelle priorité américaine de Rabat à Dubaï. À Benjamin Netanyahou : ne croyez pas que le soutien des États-Unis à Israël soit inconditionnel, donc indéfini. À tous: apprêtez-vous àchanger, ou à être changés.
Familier des références historiques, Barack Obama acomparé le « printemps arabe » à la révolution américaine et convoqué pour ce faire lesmânes de sonlointain prédécesseur, le très éclairé Thomas Jefferson. Celui-là même qui, si l’on en croit la cover story décapante du dernier numéro de Time (« Sexe, mensonge, arrogance: qu’est-ce qui pousse les hommes puissants à se comporter comme des porcs »), n’hésita pas à engrosser à six reprises l’une de ses esclaves noires en se passant, est-il besoin de le préciser, du consentement de la victime puisqu’elle était noire et esclave. Comme pour BenLaden, il ne s’agit là évidemment que d’une pure coïncidence. Ni Obama ni personne n’auraient pu imaginer que ce discours allait cohabiter avec les miasmes de l’affaire Strauss-Kahn, de sa présumée victime noire et de leur extraordinaire exposition médiatique. L’ex-patron du FMI, candidat plus que probable à l’Élysée, redoutait que ses adversaires ne cherchent à l’attaquer sur trois fronts : la judaïté, les femmes et l’argent. Il n’avait pas tort en ce qui concerne les femmes et ce sentiment d’impunité érotisante que procurent le pouvoir et la richesse. Mais sans doute ignorait-il qu’il n’avait de pire adversaire que lui-même.
PS: si une telle affaire avait mis aux prises en Afrique un puissant et une femme de chambre, que se serait-il passé ? Poser la question c’est, hélas, y répondre…
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