Gabon : une brigade d’élite pour la jungle

La bataille pour la survie des éléphants de forêt, braconnés à travers tout le pays pour leur ivoire, a nécessité la mise en place d’une unité militaire de 240 hommes pour sécuriser les parcs.

Il ne reste plus que quelques dizaines de milliers d’éléphants dans les forêts gabonaises. © D.R.

Il ne reste plus que quelques dizaines de milliers d’éléphants dans les forêts gabonaises. © D.R.

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Publié le 1 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

À la poursuite du Gabon vert
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À la poursuite du Gabon vert

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Le Gabon avait pris, en mars, la décision de classer l’éléphant de forêt comme espèce « intégralement protégée » en raison d’un niveau de braconnage jamais atteint dans l’histoire du pays. Mi-avril, le président Ali Bongo Ondimba est monté lui-même au créneau pour déclarer la guerre aux trafiquants d’ivoire en annonçant la création d’une unité militaire de 240 hommes au sein de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), avec ordre de mise en place opérationnelle immédiate. Baptisée « brigade de la jungle », l’unité a pour mission de sécuriser les parcs du pays.

Massacre

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C’est la découverte, début avril, d’une trentaine de carcasses de pachydermes lors d’un survol du parc national de Wonga Wongué, à 100 km au sud de Libreville, qui a mis le feu aux poudres. « Nous avons découvert un corps, puis un autre, et encore un autre. En quelques minutes, nous avons réalisé que quelque chose de grave s’était passé », raconte Mike Fay, le directeur technique de l’ANPN. Le biologiste américain a été un des acteurs clés de la création des parcs nationaux en 2002, après avoir acquis une renommée mondiale avec Megatransect, le récit de l’équipée pédestre qu’il a menée à travers la forêt équatoriale, du Congo au Gabon, avec Nick Nichols, reporter photographe au National Geographic. « En à peine une heure, nous avons compté 28 carcasses, continue Mike Fay. La réserve étant en grande partie couverte de forêt, on ne peut pas savoir le nombre exact d’éléphants tués, mais nous sommes certains que ce niveau de braconnage est sans précédent dans l’histoire du Gabon. » Des traces de carnages similaires ont été observées ces derniers mois dans les parcs de Minkébé, de Mwagna et d’Ivindo.

Dans la réserve de Minkébé, située à l’extrême nord-est du Gabon et frontalière avec le Cameroun, les deux pays ont d’ailleurs lancé, également en avril, un plan conjoint pour lutter contre la recrudescence du braconnage. Des missions transfrontalières de quinze jours vont être désormais organisée chaque trimestre, alternativement dans les deux pays. Elles seront conduites par des patrouilles pédestres, fluviales et mobiles, afin de mettre un maximum de pression sur les braconniers et les trafiquants. 

Au kalachnikov

Reconnu comme une espèce biologique distincte de son cousin des savanes, l’éléphant de forêt se caractérise par une peau plus foncée, des oreilles plus petites et plus circulaires, des défenses plus minces et plus droites, dont l’ivoire, légèrement rosé, présente un grain de meilleure qualité que celui de l’éléphant des savanes… Une seule défense se négocie actuellement 30 000 euros au marché noir.

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Ce trafic de plus en plus lucratif est opéré par des réseaux criminels organisés qui n’hésitent plus à s’immiscer dans les forêts les plus reculées, armés de kalachnikovs, et à s’allier aux villageois. « La plupart des braconniers viennent de l’extérieur du Gabon et sont équipés de nombreuses armes. Nos gardes, eux, sont en sous-effectif et sous-armés », explique Lee White, le secrétaire exécutif de l’ANPN.

Incapables de vivre hors de la jungle primaire, désorientés par les forestiers, pourchassés par les braconniers, les derniers éléphants de forêt se rapprochent de plus en plus des villages, inquiétant leurs habitants, alors que les parcs nationaux ont justement été créés pour les en éloigner et leur réserver des sanctuaires. Il était temps de les mettre sous bonne garde.

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