Jack Bauer à Yaoundé

Gilbert Tsimi Evouna, le représentant du gouvernement dans la capitale, modernise la ville avec des méthodes parfois expéditives. Quitte à agacer les habitants. Ce dont il n’a cure.

Gilbert Tsimi Evouna est surnommé « Jack Bauer » pour ses méthodes expéditives. © D.R.

Gilbert Tsimi Evouna est surnommé « Jack Bauer » pour ses méthodes expéditives. © D.R.

Clarisse

Publié le 21 mai 2011 Lecture : 3 minutes.

Il n’aime pas les journalistes et le leur fait savoir. Sa dernière saillie : nous recevoir dans son bureau et refuser de répondre à nos questions. « Parce que le président de la République est la seule personne à qui je dois des comptes », assène le super-maire de Yaoundé, la soixantaine plutôt élégante. Mais Gilbert Tsimi Evouna a tort : la population veut comprendre. Depuis sept ans, il intrigue, attendrit, inquiète et agace à la fois. Parmi les multiples chantiers visant à transformer sa ville, certains semblent avoir du plomb dans l’aile. Ainsi, le quartier Tsinga attend toujours les 250 logements de standing censés remplacer les habitations qu’il a détruites en 2008.

« Yaoundé doit devenir une capitale moderne », aime à marteler cet ancien élève de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), dont les chances d’accéder à ce poste étaient considérées comme nulles du fait de son appartenance au clan des Angoks, minoritaires dans la capitale camerounaise. Mais Paul Biya a déjoué tous les pronostics pour l’y installer, un an après le décès en mars 2004 de son prédécesseur, Nicolas Amougou Noma, dont il avait été l’adjoint pendant dix-huit ans.

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Sacerdoce

Depuis, Gilbert Tsimi Evouna a fait de l’embellissement de sa ville un sacerdoce, qu’il accomplit avec raideur et brusquerie, sûr de son fait. Lorsqu’il a fallu procéder à des opérations de « déguerpissement » musclées de populations, il était toujours en première ligne. « Personne ne croyait qu’il oserait raser des habitations de quartiers aussi emblématiques que la Briqueterie, le mont Mbankolo ou encore la vallée du Ceper, mais il l’a fait », indique un habitant de Yaoundé, qui lui reproche de n’avoir pas prévu de plan de relogement. Père de quatre enfants (dont un est décédé), l’édile s’accommode volontiers de son surnom de « Jack Bauer », le héros de la série 24 Heures Chrono aux méthodes expéditives.

Pour ses détracteurs, dont Augustin Fouda, fils de l’ancien délégué du gouvernement André Fouda, « tout cela n’est qu’agitation de la part d’un mégalomane qui, n’ayant pas les moyens de ses ambitions, est devenu belliqueux et arrogant ». Les habitants accusent ce militant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) de réduire l’aménagement urbain à un ensemble de jardins publics, sans logements sociaux ni voies de contournement.

Réalisations

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Grâce au contrat de ville 2006-2011 par lequel l’État s’est engagé à financer plusieurs projets, Gilbert Tsimi Evouna a pourtant inscrit à son actif quelques belles réalisations, dont la construction de grandes avenues ou le curage du canal du Mfoundi. Yaoundé est devenu plus propre, avec un stationnement urbain plus discipliné. Mais, selon son entourage, l’ouvrage dont il est le plus fier, c’est le bois Sainte-Anastasie, un parc public qui a coûté à la communauté urbaine de Yaoundé (CUY) environ 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros). « C’était son bébé, confie un de ses collaborateurs. Il a suivi le chantier jour après jour, en a inspecté les coins et recoins, et a tenu secrète son intention de le baptiser du prénom de la mère du président. » Sa dernière réalisation, un centre commercial souterrain d’un coût de 310 millions de F CFA, devrait être inaugurée à la fin de ce mois. C’est peut-être parce qu’il cultive la discrétion à outrance que l’édile est aussi controversé. Quand on lui demande s’il est vrai qu’il circule toujours avec un cercueil dans sa voiture, prêt à se faire lyncher, il affiche un sourire énigmatique. Pas sûr cependant que ce cercueil entre dans la petite Lancer blanche qu’il conduit le week-end, sans garde du corps…

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Par Clarisse Juompan-Yakam, envoyée spéciale.

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