Vimbayi Kajese : bien présenter
Du jamais vu : une Zimbabwéenne à la télévision chinoise ! Embauchée par la chaîne publique CCTV 9, la jeune femme a dû s’adapter au « chinoisement correct ».
À la voir ainsi emmitouflée sous trois couches de vêtements par une matinée plutôt tempérée de Pékin, on se dit que la belle Zimbabwéenne a du mal à se faire au climat chinois. Pourtant, la raison de cet accoutrement soigné n’est pas celle que l’on croit. « Cela vous est déjà arrivé d’avoir une extinction de voix alors que vous passez en direct à la télé ? Ou bien de devoir vous moucher pendant un flash de pub et de vous retrouver avec un nez noir au milieu d’un visage poudré ? Moi, oui ! »
Depuis un an, quatre fois par semaine, Vimbayi Kajese traverse Pékin avant l’aube pour venir présenter le premier journal de CCTV 9, la principale chaîne publique chinoise en anglais. Comme plusieurs étrangers avant elle, Vimbayi égrène des nouvelles très « chinoisement correctes ». À deux différences près : elle est la première femme chargée de la nouvelle tranche matinale et elle est africaine !
« Certains m’ont dit que, la première fois qu’ils m’avaient vue à la télé, ils avaient pensé que le réglage des couleurs déraillait ! plaisante-t-elle. Pour les Chinois, un étranger, c’est blond aux yeux bleus. Mais ceux qui m’en parlent ont l’air de trouver ça très bien. C’est pour eux le symbole que leur pays s’ouvre. »
Née à Harare en 1981, venue en 2006 suivre un master en relations internationales et diplomatie à l’Université des affaires étrangères de Pékin, Vimbayi Kajese a su profiter des nouveaux ponts jetés entre la Chine et le continent africain. Un parcours « logique » pour cette fille made in Africa et « élevée par le monde ».
Issus d’une famille de diplomates, Vimbayi, sa sœur et ses deux frères ont partagé leur enfance entre l’Angleterre, le Malawi, la Belgique et les États-Unis. À l’Université du Kansas, elle fait des études en administration des affaires. « J’adorais les États-Unis, mais je ne voulais pas y vivre. Au début, je voulais m’installer à Shanghai ou Hong Kong, mais j’ai été envoyée à Pékin. En fait, j’en suis ravie. C’est le nœud de tout, le cœur historique de la Chine, c’est là que toute la politique se joue. »
La politique, comme les « news », Vimbayi en raffole, au point de s’endormir en écoutant la BBC. En 2009, profitant du buzz africain à la veille du sommet Chine-Afrique, elle commence à travailler pour une agence de presse internationale. C’est de là que lui vient l’envie de devenir présentatrice. Elle inonde les chaînes de CV : le 3 août 2009, elle présente son premier journal.
Les premiers mois, elle a l’impression de marcher sur des œufs. « Je ne savais pas si je serais à la hauteur, alors je n’en ai pas parlé à mes amis. J’ai un copain qui fait du footing en salle tous les matins. La première fois que je suis passée aux news, il a été tellement surpris qu’il est tombé du tapis ! » Au même moment, à Harare, d’autres fans étaient rivés à leur télé : ses parents. « Ils me regardent tous les jours. Du coup, ils apprennent de drôles de trucs, comme le classement des plus grands fleuves de Chine… »
À Pékin, Vimbayi Kajese s’amuse de voir son visage s’inscrire chaque jour un peu plus dans le paysage quotidien chinois. « Dans une échoppe, j’ai trouvé une veste qui me plaisait alors j’ai dit à la vendeuse : « Si tu me donnes un bon prix, je t’en prendrai beaucoup. » À ce moment, une autre vendeuse s’est écriée : « Je la reconnais, c’est la fille de la télé ! Si elle te dit qu’elle va t’en acheter plein, ça veut dire vraiment plein ! » Du coup, toutes les vendeuses ont accouru avec des centaines de vestes. C’était vraiment drôle ! »
Bien que fêtarde, Vimbayi Kajese accepte de bonne grâce les sacrifices d’une vie en décalé. « C’est une vraie fierté d’être la première à savoir et à raconter ce qui se passe dans le monde. » Même vu à travers le prisme du régime ? « Ça ne me pose aucun problème de travailler pour la presse officielle. Mon rôle est de faire état des positions du gouvernement. Que je sois d’accord ou non n’a rien à voir avec ça. »
Du côté des affaires africaines, Vimbayi a parfois un rôle de conseillère. Elle cultive le lien avec le continent en participant à des cercles de réflexion sur les relations sino-africaines, comme le Yaps, le club des jeunes entrepreneurs et étudiants africains de Pékin, dont elle est la conseillère « médias ». « À plus long terme, je veux me consacrer aux relations entre les deux continents, dans la diplomatie ou en créant une émission de télévision. »
« De toute façon, affirme un ami congolais, le DJ Franck Baelongandi, Vimbayi va laisser une empreinte. Elle est de la trempe des femmes dont on parle dans les livres d’histoire. Quand je le lui dis, elle rigole, mais un jour, elle s’en rendra compte. »
Coïncidence ? Le jour de la naissance de Vimbayi, la clinique de Harare a troqué son nom, issu de la période coloniale, pour prendre celui de Mbuya Nehanda, une résistante à la domination britannique. « Elle a été pendue dans une rue pour avoir osé se rebeller. C’est une de mes héroïnes », souligne Vimbayi Kajese, qui ne cache pas son envie de ressembler un peu à sa « bonne étoile ».
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