Astérix, ou comment l’assimiler
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 17 mai 2011 Lecture : 2 minutes.
Un soir, après une journée de travail particulièrement épuisante, alors que je regagne mes pénates, je me dis : « Gars, détends-toi ! » Une idée lumineuse me traverse alors l’esprit : internet. J’allume l’ordinateur, direction mon compte Facebook. Rassurez-vous, je ne suis qu’un très nouvel adepte. Un double-clic, me voici sur heu… ma page, heu… mon mur. Je ne sais plus, mais je vois bien ma photo. Et un lien qu’une camarade a eu la gentillesse de m’envoyer. Re-double-clic. C’est un débat, ou plutôt une empoignade oratoire entre deux journalistes dans l’une de ces émissions où le public rit et applaudit sur commande. J’abhorre ! Que vois-je ? Un perroquet ou un roquet, peu importe, débite telle une rafale un discours sur la République. Française, je souligne. Il dit que, pour mériter de la République, toute personne étrangère ou même d’ascendance étrangère née en France doit faire un deuil de son passé. C’est-à-dire hiérarchiser les civilisations, reconnaître que celle des origines est inférieure à celle de la France. Pour mériter de la République, l’étranger doit faire allégeance à Voltaire, à Hugo (pas Boss !), au siècle des Lumières. Sinon, c’est l’identité française qui est menacée. Le perroquet ou le roquet, peu importe, se frotte les mains, l’œil pétillant, fier de son numéro. Et moi qui avais foi en la diversité, qui croyais à la fraternité, à l’égalité !
Qu’arrivera-t-il si les Français qui veulent s’installer au Sénégal doivent d’abord connaître par cœur « Mamadou et Bineta apprennent à lire et à écrire » ; « Mamadou et Bineta sont devenus grands » ; « Les Aventures de Leuk le lièvre » et toute la poésie de Senghor, en apprenant en même temps à danser le mbalax comme des as ? Que se passera-t-il si les Maliens exigent de leurs hôtes européens la connaissance des œuvres d’Amadou Hampâté Bâ et des enseignements de son maître Tierno Bokar Saalif Tall ? Brazzaville pourrait imposer Sony Labou Tansi ou Tchicaya U Tam’si. Kinshasa Mudimbe, Lomami Tshibamba et la maîtrise du ndombolo. Quant aux Tunisiens, si prestement expulsés ces temps-ci de la forteresse Schengen, je leur conseille de rendre obligatoire pour tout résident français la lecture – en arabe – de la célébrissime Muqqadima d’Ibn Khaldun. Œil pour œil, dent pour dent !
Un autre soir, je regarde la télévision. Les résultats d’un sondage m’assomment : 76 % des Français sont convaincus que les immigrés ne font aucun effort pour s’intégrer ! S’intégrer ou se désintégrer ? Bizarre. Pourtant, les étrangers montrent tous les jours qu’ils sont intégrés. Ils conjuguent des verbes à l’imparfait du subjonctif. Ils boivent du vin, mangent de la choucroute, des cuisses de grenouille, du camembert. Ils adorent la baguette et ne reçoivent leurs amis que sur rendez-vous. À Noël, ils s’empiffrent avec de la dinde aux marrons, du foie gras du Sud-Ouest, et offrent des cadeaux à leurs proches. Pour devenir belles, leurs femmes changent de couleur, défrisent leurs cheveux quand elles ne les remplacent pas par des postiches blonds qui leur tombent sur les épaules. Avec tout cela les étrangers ne sont pas intégrés ? Ces Gaulois, ces descendants d’Astérix, c’est quelque chose, dé !
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