Boulevard du Voleur

Fouad Laroui © DR

Publié le 19 mai 2011 Lecture : 2 minutes.

Si vous passez en voiture à proximité de la fameuse place L’Hdim, à Meknès, qu’indique le GPS ? Eh bien, il indique toujours boulevard Zine-el-Abidine-Ben-Ali – eh oui, les dictateurs passent, les boulevards restent. On est bien peu de chose, finalement, à l’aune du trottoir. Le macadam, ça, c’est du solide. Quant aux despotes, ce sont des tigres de papier. Autant en emporte le vent… Les Tunisiens ont changé d’époque, mais le GPS n’est pas au courant. Le GPS, à Meknès, ne fait pas de politique. En ce moment, au Maroc, il est bien le seul à ne pas faire de politique…

En tout cas, il faudra, tôt ou tard, penser à débaptiser le boulevard Zine-el-Abidine-Ben-Ali. Qu’une des plus belles artères de la ville impériale porte le nom d’un kleptomane doublé d’un fuyard, ça fait désordre.

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Remarquez que ça pourrait devenir très tendance : donner le nom de délinquants ou de criminels aux rues et aux avenues. On aurait un boulevard Jack-l’Éventreur à Londres, un boulevard évidemment sombre et mal éclairé qui procurerait des frissons délicieux aux touristes. La place Clichy, à Paris, pourrait devenir place Landru, du nom de ce séducteur qui croquait les veuves fortunées il y a des lustres. On y ferait des barbecues en souvenir de la fameuse chaudière qui permettait à Landru de se débarrasser de ses épouses successives. Et bien sûr, Wall Street serait débaptisée pour porter le nom de Bernie Madoff, dont les malversations criminelles confinaient au génie.

Sinon, si on ne veut pas garder le nom de brigands sur les plaques de nos rues, il faudra faire le ménage, le grand nettoyage du printemps – du printemps arabe, bien sûr. Il faudra débaptiser… Voilà qui va coûter de l’argent : déboulonner des plaques, repeindre, en mettre d’autres. Et puis qui va choisir les nouveaux noms ? Maintenant que les peuples sont au pouvoir, pas question de confier ça à un comité irresponsable.

Alors quelle est la solution ? Eh bien, elle est simple : il faudrait donner des noms d’illustres inconnus aux avenues et aux boulevards. Une avenue Machin ou un boulevard Dupont, voilà qui ne poserait jamais de problème. Aucun besoin de rebaptiser ou de repeindre. Et puis ça ferait plaisir à tant de gens, tous les Machin et les Dupont de la terre… Ou alors, on pourrait donner aux rues des noms de héros de fiction. Les plus romantiques habiteraient impasse Madame-Bovary, les aventuriers auraient un pied-à-terre boulevard Michel-Strogoff. Parfois il y aura des ronchonnements – mais, sérieusement, entre habiter avenue Zine-el-Abidine-Ben-Ali ou bien avenue Pinocchio, quel serait votre choix ? Attention, votre nez va s’allonger.

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