Ouganda : le ton monte
Confronté aux contestations politiques, à la vie chère ou à l’usure du pouvoir, le régime de Museveni traverse une passe difficile. Et réprime les manifestations de l’opposition.
Yoweri Museveni, le président ougandais, et son principal opposant, Kizza Besigye, auraient pu se rencontrer le samedi 30 avril dans la capitale kényane pour renouer le dialogue. Cela n’a pas été le cas : alors que le chef de l’État goûtait les charmes du tapis rouge et de l’hôtel Intercontinental, le candidat malheureux aux élections présidentielles de 2001, 2006 et 2011 était soigné à l’hôpital de Nairobi. Il y avait été transporté d’urgence après une violente interpellation à Kampala par les forces de l’ordre, deux jours plus tôt. Depuis le 11 avril, cet ancien médecin personnel de Museveni, qui dirige aujourd’hui le Forum for Democratic Change (FDC), est à la tête d’un mouvement de contestation déclenché par la hausse des prix.
Selon le Bureau ougandais des statistiques, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 31 % entre mars et avril. Renonçant à porter en justice les allégations de fraude imputées au parti présidentiel – le 18 février 2011, Museveni a remporté l’élection avec 68,4 % des voix – l’opposition a appelé la population à se rendre au travail à pied pour protester pacifiquement contre la vie chère. « La population se sent marginalisée et elle manifeste aujourd’hui contre cette marginalisation », a déclaré Besigye.
Dérive autoritaire
Au pouvoir depuis 1986, loué pour avoir ramené la paix et la stabilité dans un pays exsangue après les dictatures successives d’Idi Amin Dada et de Milton Obote, proche allié des Occidentaux, qui voient en lui un gage de stabilité dans la région troublée des Grands Lacs, Museveni est de plus en plus souvent critiqué pour ses dérives autoritaires. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a guère apprécié que des manifestants expriment leur mécontentement dans la rue. Depuis trois semaines, les heurts ont causé la mort de huit personnes. Plus de 250 manifestants ont été blessés et 580 arrêtés par les forces de l’ordre. Kizza Besigye lui-même a été blessé à la main par une balle en plastique et interpellé quatre fois avant d’être relâché. La dernière arrestation du 28 avril a été la plus violente : la police a brisé les vitres de sa voiture avant de l’asperger de gaz lacrymogène, sous l’œil des caméras. Le jour suivant, les émeutes tournaient au drame à Kampala : deux tués par balles et 143 blessés.
Depuis l’hôpital de Nairobi, l’ancien ministre de l’Intérieur (Internal Affairs) de Museveni, caché derrière des lunettes noires et assis sur une chaise roulante, a appelé au calme, tout en promettant de nouvelles manifestations. Quant au président ougandais, il a réagi à sa manière avec un habile mélange d’humour et d’arrogance. « Il n’y a aucun problème à ce que M. Besigye marche, soit pour aller au travail, soit pour faire de l’exercice, a-t-il déclaré. Tout ce que nous demandons, c’est qu’il se mette d’accord avec la police. » Contestant les images, il a aussi affirmé : « Je pense que les lentilles de CNN ne voient pas très bien, car elles ne montrent pas le chef de l’opposition en train d’attaquer les policiers. On m’a dit que les femmes utilisaient du gaz lacrymogène pour se protéger des violeurs, mais je n’en avais jamais entendu parler avant… […] Il a préféré un hôpital de Nairobi alors que nous en avons de bons en Ouganda… Je lui souhaite un prompt rétablissement. »
Au-delà de ces réponses de circonstance à un opposant, Museveni estime que la contestation ne s’amplifiera pas. C’est peut-être faire fi un peu vite du vent qui souffle depuis le Maghreb. Un syndicat de travailleurs kényans a d’ailleurs profité de son passage à Nairobi pour lui rappeler les mésaventures de Ben Ali et Moubarak, en Tunisie et en Égypte.
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