Une Arlésienne à Marseille

Dans la cité phocéenne, un quart des habitants sont de confession musulmane. Problème : ils ne disposent d’aucun lieu de culte digne de ce nom. Depuis des années, on parle de construire une Grande Mosquée. Mais le premier coup de pioche se fait attendre !

Maquette de la Grande Mosquée que les musulmans marseillais attendent toujours. © AFP

Maquette de la Grande Mosquée que les musulmans marseillais attendent toujours. © AFP

Publié le 17 mai 2011 Lecture : 3 minutes.

C’est devenu une habitude. Le vendredi, à l’heure de la prière de la mi-journée, Ahmed ne sort jamais sans le morceau de carton qu’il conserve, le reste de la semaine, à l’entrée de son petit deux-pièces situé au cœur du Panier, un quartier populaire de Marseille. Il préfère en sourire. « Comme ça, tout le monde sait où je vais. » Ahmed, la trentaine, Marseillais de naissance mais Comorien de cœur, n’est pas du genre à arriver à l’heure. À la salle de prière des Récollettes, à peine plus grande qu’un troquet, il est donc « à peu près certain » de prier dehors. Et il n’est pas le seul…

Chaque vendredi, ils sont des dizaines à s’agenouiller sur des cartons, à l’intersection de deux petites ruelles vite encombrées. Le jour de notre rencontre, Ahmed a trouvé une place entre deux scooters. Il a connu pire. « Il y a quelques mois, quand les éboueurs étaient en grève, on était entourés de poubelles. » Restent ces regards de passants obligés, le temps de la prière, de modifier leur parcours. « Il y a dix ans, les gens nous plaignaient. Aujourd’hui, ils nous montrent du doigt », se désole Nassurdine Haidari. Ce jeune élu municipal socialiste de 32 ans a, dans une vie antérieure, prêché à la salle des Récollettes. « Sur une dizaine de lieux de prière situés au centre de Marseille, il y en a trois qui débordent, assure-t-il. Et dans toute la ville, pas plus de six. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est déjà trop. »

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Caves, garages…

À Marseille, affirme un journaliste local, « l’islam n’a jamais vraiment été à l’aise ». C’est le moins que l’on puisse dire. Sur les quelque 850 000 habitants de la cité phocéenne, on estime à plus de 200 000 le nombre de musulmans – un quart de la population… Pourtant, on n’y trouve aucune mosquée. « Trois ou quatre salles font office de mosquées, parce qu’elles ont une architecture ancienne, mais aucune n’est digne de ce nom », note Nassera Benmarnia, directrice de l’Union des familles musulmanes des Bouches-du-Rhône. Les autres lieux – une soixantaine – sont de simples salles transformées avec les moyens du bord en lieux de culte. À l’origine : des caves, des garages, des hangars… Dans ce contexte, l’édification de la Grande Mosquée est devenue urgente. « Ça ne réglera pas tous nos problèmes, mais c’est un symbole fort, qui montrera enfin qu’on existe », estime Nassurdine Haidari.

L’idée ne date pas d’hier. Mais il a fallu attendre la réélection de Jean-Claude Gaudin (UMP) à la tête de la ville, en 2001, pour qu’enfin le projet se concrétise. En 2006, l’association La Grande Mosquée de Marseille voit le jour : la mairie met à sa disposition le terrain des anciens abattoirs des quartiers nord ; la première pierre est posée en 2010… « On est dans la dernière ligne droite », annoncent alors les dirigeants de l’association. 

"Putsch"

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C’était compter sans les divisions qui partagent depuis plusieurs décennies les musulmans de Marseille. Quelques semaines plus tard, en juin, le président de l’association, Nourredine Cheikh, accusé d’être inféodé à l’Algérie, est mis en minorité. Ses partisans crient au « putsch ». Abderrahmane Ghoul, secrétaire général, lui succède. Le début des ennuis : immédiatement, l’Algérie gèle sa participation financière, puis en septembre, l’extrême droite lance un nouveau recours devant le tribunal – le sixième ! – pour empêcher le début des travaux. Dernièrement, c’est le trésorier qui a démissionné, dénonçant un manque de clarté dans les comptes de l’association.

Le complexe (une mosquée, une bibliothèque, des salles d’études) nécessite 22 millions d’euros, mais aujourd’hui, affirme l’ex-trésorier, les caisses sont vides. Abderrahmane Ghoul, rencontré fin mars, se veut optimiste : « Aucun pays n’a donné pour l’instant. Chacun attend que les autres se positionnent en premier. Mais ça viendra. En attendant, nous démarchons les musulmans de Marseille. » Mais au marché aux puces, situé à dix minutes des anciens abattoirs, la réticence est de mise. « Ça fait des années qu’on nous la promet cette mosquée, on n’y croit plus », explique Moussa, un vieux Sénégalais.

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