L’énigme Donald Trump
Le milliardaire déjanté va-t-il vraiment briguer, en mai, l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2012 ? Ou n’est-ce qu’un gigantesque coup de pub ? Quoi qu’il en soit, il multiplie contre Barack Obama les attaques au-dessous de la ceinture.
En envisageant publiquement de se lancer dans la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2012, Donald Trump risque de plomber un peu plus le Grand Old Party, qui n’avait vraiment pas besoin de ça : aucun de ses candidats pressentis pour affronter Barack Obama – ils sont, à ce jour, une dizaine – ne parvient à s’imposer. Avec Sarah Palin, on croyait avoir touché le fond. Mais Donald Trump, c’est encore pire !
Avec son allure de crooner pour dames en croisière et ses déclarations à l’emporte-pièce, Trump, 65 ans, est une sorte de clone américain de Silvio Berlusconi. Milliardaire narcissique, il dirige un empire immobilier, Trump Organization, qui, selon le magazine Forbes, « pèse » 2 milliards de dollars (1,36 milliard d’euros). Dans tout le pays, d’innombrables casinos et complexes pharaoniques portent son nom, telle la Trump Tower, à Manhattan. Trois fois marié, le tycoon a, comme son alter ego italien, un faible pour les femmes beaucoup, beaucoup plus jeunes que lui.
Ce Gatsby (le héros de Fitzgerald) pathétique, qui, signe particulier, a la phobie des germes, a fait de sa vie un roman de gare. Son style de vie flamboyant, ses revers financiers à répétition – ses casinos ont été placés en dépôt de bilan –, son divorce ruineux, en 1992, d’avec Ivana, sa première femme, d’origine tchèque, sont une bénédiction pour la presse de caniveau.
Politique spectacle
En plus des affaires, Trump anime depuis sept ans sur NBC une émission de téléréalité, The Celebrity Apprentice (« L’Apprenti célébrité »). C’est d’ailleurs lors de la finale de la saison en cours, le 22 mai, qu’il devrait préciser ses intentions, avant l’annonce officielle de sa candidature, début juin. Vous avez dit politique spectacle ?
Et ça marche ! Le mois dernier, un sondage a révélé que Trump figurait parmi les candidats républicains les mieux placés. Deux raisons à cela. D’abord, on l’a vu, l’absence de concurrents enthousiasmants. Ensuite, sa stratégie consistant à remuer les eaux les plus troubles. Le milliardaire a, par exemple, pris la tête des « birthers », comme on dit ici. Des gens qui prétendent qu’Obama, n’étant pas né aux États-Unis, comme il l’affirme, mais au Kenya, ne peut occuper la fonction de président (47 % des sympathisants républicains en sont convaincus, selon un récent sondage). Pour tenter d’éteindre la polémique, la Maison Blanche a publié un extrait de naissance officiel du chef de l’exécutif (l’extrait intégral a été mis en ligne le 27 avril). En vain, pour l’instant.
Nauséabond
Trump a annoncé avoir dépêché des enquêteurs à Hawaii, lieu de naissance du président, afin de démonter la supercherie. Et promis des révélations fracassantes, en mai. Certes, plus l’échéance approche, plus il se montre évasif, mais peu importe : l’essentiel est d’alimenter la polémique. Celle-ci prend d’ailleurs un tour franchement nauséabond. Une responsable du Parti républicain en Californie a ainsi diffusé une caricature d’Obama en chimpanzé. Avec cette légende d’un goût charmant : « Voilà pourquoi il n’a pas d’acte de naissance. »
Les déclarations de Trump frôlent souvent la sortie de route. Selon lui, si tous les Africains-Américains continuent de soutenir Obama, c’est uniquement en raison de sa race. Récemment, il a affirmé, contre toute évidence, que le président avait été un étudiant médiocre. Sous-entendu : s’il a été admis à Columbia et à Harvard, c’est parce qu’il a trafiqué ses notes. Le tout, bien sûr, sans l’ombre d’une preuve. « Je suis le candidat qu’Obama ne veut surtout pas affronter », fanfaronne-t-il. Ces rodomontades lui tiennent lieu de programme. De toute façon, il se montre, en ce domaine, d’un opportunisme sans borne, comme en témoigne son récent virage ultraconservateur sur l’avortement et l’assurance santé, dont le seul objectif est de séduire la frange la plus dure des républicains.
Juste pour le business
Ce n’est pas la première fois que Trump envisage d’être candidat, mais, jusqu’ici, c’était surtout pour faire parler de lui. « Tout le monde souhaite que je me présente, mais je n’y ai aucun intérêt », déclarait-il, dès août 1988, devant la convention républicaine. Onze ans plus tard, juste avant la parution d’un livre dont il était le signataire (The America We Deserve, « L’Amérique que nous méritons »), il avait de nouveau évoqué l’hypothèse de sa candidature, mais sous la bannière du Parti de la réforme, formation fantomatique fondée par Ross Perot, un collègue milliardaire. Après avoir qualifié le républicain Pat Buchanan d’« adorateur de Hitler » et le démocrate Al Gore de « vache sacrée », il s’était retiré de la course, sans explications, en février 2000. « Trump n’avait en réalité qu’un seul objectif : faire à nos dépens la promotion de ses hôtels, de son livre et de lui-même », avait sèchement commenté Perot.
Il est vrai qu’avec Trump, le business n’est jamais très loin. Est-ce vraiment un hasard si l’annonce officielle de sa candidature coïncidera avec la fin de la énième saison de son show télé ? Seule certitude : l’audience ne devrait pas en souffrir ! On a d’ailleurs peine à croire que le milliardaire puisse arrêter définitivement The Celebrity Apprentice, comme la loi lui en fait obligation, pour briguer la Maison Blanche. Et qu’il accepte de réduire son rôle au sein de Trump Organization. Du coup, certains observateurs s’interrogent sur ses véritables intentions : et si les primaires républicaines n’étaient pour lui qu’un énorme coup de pub ? L’intéressé s’en défend à longueur d’interviews : « Pour la première fois de ma vie, j’y pense sérieusement. Pourtant, j’aime ce que je fais, Trump Organization est extraordinaire. Mais mon pays ne l’est pas. Il est très mal dirigé. » Il n’empêche : le doute subsiste.
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