Famille Moubarak : plus dure sera la chute
Hosni Moubarak, hospitalisé après sa crise cardiaque, accusé de complicité de meurtre par une commission d’enquête ; ses fils placés comme lui en détention provisoire ; l’ancienne première dame et ses belles-filles interrogées… L’ex-président égyptien et les siens touchent le fond.
Les prisonniers matricules 23 et 24 de l’établissement pénitentiaire de Tora Farm, au sud du Caire, n’ont pas le profil habituel. Généralement hôte d’opposants au président Moubarak, la centrale en accueille désormais les fils, Alaa et Gamal. Depuis le 10 avril, ils y côtoient l’ancien Premier ministre, l’ex-président du Parlement, plusieurs hauts dirigeants de l’ancien parti au pouvoir… Tous, paraît-il, leur ont fait bon accueil. Pour préserver ce qui leur reste de dignité, l’avocat des deux frères a obtenu que les photos de leur arrestation ne soient pas divulguées à la presse. Un système de sécurité – et de surveillance – rapprochée a été mis en place, qui ne nuira en aucun cas, a dû rassurer le directeur de la prison, aux autres prisonniers. Les Moubarak n’ont pas reçu de traitement de faveur. Un lit chacun, une télévision sans le satellite et un petit réfrigérateur dans leur cellule commune – comme tout le monde.
Brisés
Le moral des fils Moubarak n’est pas bon, rapporte un gardien, sous le sceau de l’anonymat. « Ils font tout ce qu’on leur demande et n’élèvent jamais la voix. Il faut garder en tête qu’ils sont brisés », raconte-t-il au New York Times. Gamal, le cadet, ex-futur président, semble le plus affecté : il a perdu beaucoup de poids, dort mal et reste très souvent seul. Vêtus de la tenue blanche des détenus, Alaa et Gamal ne trouvent même pas de réconfort dans les repas gastronomiques qu’ils commandent au luxueux hôtel Four Seasons – comme ils en ont le droit en détention provisoire. Soupçonnés d’avoir contraint des entreprises étrangères à nouer des partenariats économiques et d’avoir planifié la « bataille des chameaux », le 2 février, contre les manifestants du Caire, les deux frères risquent au minimum vingt ans de réclusion. Quant à leurs épouses respectives, Haidi Rassekh et Khadiga al-Gamal, elles sont interrogées sur l’origine de leur fortune.
Leur père, Hosni Moubarak, est pour sa part toujours à l’hôpital de Charm el-Cheikh. Son état de santé ne permet pas son transfert en prison, a tranché le ministre de l’Intérieur, le 26 avril, contre l’avis du procureur. Victime d’une crise cardiaque le 12 avril lors d’un interrogatoire, le père ne pourra rejoindre ses fistons que lorsque la prison de Tora Farm sera équipée d’une unité de soins adéquate. C’est donc à l’hôpital que l’ex-président a appris, le 19 avril, qu’une commission d’enquête – qu’il avait lui-même nommée à l’époque – le juge complice du meurtre de 846 Égyptiens pendant la révolution. « Ce qui est confirmé, c’est que pour utiliser des balles réelles contre les manifestants, il était nécessaire d’avoir au préalable l’autorisation de Moubarak », a précisé le juge Omar Marwane, qui préside la commission d’enquête. L’ancien raïs risque en principe la pendaison.
Son épouse, Suzanne, 70 ans, est, de son côté, interrogée sur des détournements de fonds destinés à la bibliothèque d’Alexandrie et au festival annuel La Lecture pour tous. Pour l’instant libre, elle pourrait être placée prochainement en détention.
Un symbole
Encore plus, peut-être, que le départ de Hosni Moubarak, son éventuel procès émeut les Égyptiens : il serait le symbole de la fin de l’impunité. Ce sont probablement des tribunaux civils qui jugeront les Moubarak, mais beaucoup doutent de la volonté de l’armée de faire juger et condamner un ex-militaire. La procédure judiciaire peut durer des années et le Conseil militaire au pouvoir pourrait laisser à Hosni Moubarak, 82 ans, le loisir de mourir avant son jugement. Alaa, 49 ans, et Gamal, 47 ans, ont tout le temps, quant à eux, de voir la justice égyptienne devenir indépendante depuis leur cellule de Tora Farm…
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