Réfugiés congolais coincés à Impfondo
Depuis 2009, près de 120 000 personnes originaires de la RD Congo se sont réfugiées de l’autre côté de la frontière. Leur rapatriement devait commencer fin avril, mais rien n’est prêt.
La matinée touche à sa fin. Un soleil généreux répand ses rayons sur Impfondo, chef-lieu du département de la Likouala, dans le nord-est du Congo-Brazzaville. Deux véhicules 4×4 quittent la petite route asphaltée et s’engagent, sur la droite, sur une piste tortueuse. Au bout du chemin, un village, Makolo Ngoulou (« pieds nus » en lingala), à 32 km au nord d’Impfondo. Des cases en banco aux toits couverts de paille. Une épicerie et une antenne parabolique. Des palmiers, des manguiers, des papayers et des centaines de réfugiés.
Ici, le fleuve Oubangui n’est plus qu’un banal cours d’eau à cause de l’étiage. En face, à perte de vue, se trouve la province de l’Équateur (RD Congo). Makolo Ngoulou est l’un des 63 sites du département de la Likouala où sont installés, depuis fin 2009, quelque 120 000 réfugiés originaires de la région de Dongo, en RD Congo. Ils ont fui les violences intercommunautaires qui ont opposé Enyeles et Monzayas et qui ont conduit à une insurrection armée dirigée par Lebese Mangbama, alias Odjani, actuellement détenu à Brazzaville. Depuis, ils sont sous la protection du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Leur subsistance est assurée principalement par le Programme alimentaire mondial (PAM). Détail qui a son importance : les réfugiés sont plus nombreux que l’ensemble de la population de la Likouala.
Quotidien difficile
Sur le seul site de Makolo Ngoulou, le HCR s’occupe de 1 053 réfugiés (381 familles). Ce matin, un homme est à l’honneur : Maye Mwana Mulaka, 54 ans, secrétaire du Comité des réfugiés. Il explique le quotidien des siens et déplore le manque d’assistance sanitaire, d’écoles, d’eau potable, et la modicité de l’aide accordée par le HCR et le PAM. Le retour ? Il est trop tôt pour l’envisager, car « notre pays est encore instable », dit-il. Il ajoute : « Nous ne tolérons pas la présence de militaires dans nos villages car ils menacent notre sécurité. »
À son tour, Zéphirin Esombe Madengo, directeur de l’école des réfugiés, parle des difficultés de ses 322 élèves, encadrés par huit enseignants, qui n’ont aucun manuel scolaire. Il insiste pour qu’ils aient un uniforme. Soudain, une fausse note : un « pasteur » originaire de Makolo Ngoulou demande la parole. « Nous avons bien accueilli nos frères venus de l’autre rive du fleuve. Mais que nous a-t-on donné en échange pour notre hospitalité ? »
À Makolo Ngoulou, tout comme sur les autres sites, la vie n’est pas rose. Selon le PAM et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), 32 % des enfants réfugiés souffrent de malnutrition chronique. Le PAM a du mal à trouver les 8 millions de dollars nécessaires pour continuer de nourrir les réfugiés jusqu’en juin et pourrait être amené à réduire les rations alimentaires distribuées.
Besoin de médiatisation
Selon le programme établi par le HCR, le rapatriement aurait dû commencer le 20 avril. Paul Ndaitouroum, représentant du HCR au Congo-Brazzaville, explique que 92 000 personnes ont exprimé leur désir de rentrer dans leur pays, et que le processus devait se faire par étapes. Trois bureaux ont été spécialement ouverts à Mbandaka, Dongo et Libenge, en RD Congo. Des organisations non gouvernementales ont entrepris des travaux de réhabilitation des infrastructures, pendant que des actions sont menées en faveur de la réconciliation des communautés. Mais du retard a déjà été pris. Paul Ndaitouroum explique : « L’espoir existe, ainsi que la volonté des réfugiés. Malheureusement, les moyens ne sont pas encore réunis. Tout dépend des donateurs. »
Le HCR a besoin, cette année, de 31,5 millions de dollars pour s’occuper des réfugiés de la Likouala. À ce jour, il n’en a obtenu que le tiers. Un observateur estime que « les donateurs hésitent parce que cette crise silencieuse n’est pas assez médiatisée ». Le statu quo peut être lourd de conséquences si les ressources naturelles – poisson, eau, produits agricoles – viennent à manquer. La population locale aura du mal à supporter longtemps la présence des réfugiés.
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