Le fond de l’air est chaud au Nigeria
Après leurs parlementaires et leur président, les Nigérians ont élu leurs gouverneurs. Ce scrutin, crucial dans cet État fédéral, s’est déroulé dans un climat très tendu.
Des législatives, une présidentielle… Le marathon électoral du mois dernier s’est achevé avec l’élection des gouverneurs et des parlementaires locaux, les 26 et 28 avril. Malgré les violences qui ensanglantent le pays depuis décembre 2010, les observateurs nationaux et internationaux se disent globalement satisfaits de la régularité des opérations de vote.
Le dernier scrutin est d’importance. Dans cet État fédéral, les gouverneurs sont à la tête de petits pays presque indépendants et peuvent contrecarrer les décisions du pouvoir. Entre le People’s Democratic Party (PDP, au pouvoir) et les principales formations d’opposition, la bataille a été rude. Le parti présidentiel conserve la région pétrolifère de l’État du Delta et fait une belle percée dans le Nord (il a ravi l’État de Kano au All Nigeria People’s Party, ANPP). Mais il perd deux de ses bastions du Sud-Ouest, Oyo et Ogun, tombés dans l’escarcelle de l’Action Congress of Nigeria (ACN). Le PDP garde la majorité des États, mais l’ACN contrôle le grand Sud, riche en pétrole.
Si des incidents ont émaillé le scrutin – urnes sabotées, matériel électoral volé –, c’est surtout l’atmosphère de peur qui lui a donné un sens particulier. Depuis plusieurs mois, les affrontements interreligieux se multiplient. Et la victoire du sudiste chrétien Goodluck Jonathan (réélu à la présidence avec 57 % des voix, contre 31 % pour Muhammadu Buhari, son principal adversaire) n’a pas contribué à apaiser les tensions.
Pour bon nombre de nordistes, majoritairement musulmans, l’élection de Goodluck Jonathan rompt l’accord tacite qui régule la vie politique depuis le retour des civils aux affaires : l’alternance régionale au pouvoir. Née au sein du PDP, cette règle avait fini par se transformer en loi immuable s’imposant à tous les partis.
Jetés dans des puits
Ni l’impressionnant déploiement militaire ni les appels au calme du nordiste Buhari n’ont permis d’éviter le pire. « On ne veut pas parler de massacres, mais, dans certaines villes, c’était indescriptible », témoigne un journaliste en poste à Abuja, la capitale fédérale. Maisons et commerces brûlés, affrontements à la machette, personnes jetées dans des puits ou immolées par le feu… Bien que les autorités aient refusé de communiquer un bilan des affrontements postélectoraux – pour ne pas exacerber les tensions, disent-elles –, la Croix-Rouge internationale estime qu’environ 500 personnes ont été tuées et plus de 70 000 déplacées, principalement dans le Nord.
« Ces troubles rappellent les tristes événements qui avaient plongé notre pays dans trente mois d’une déplorable guerre civile », a regretté le président élu dans une adresse à la nation, faisant allusion à la guerre du Biafra (1967-1970) qui avait causé la mort d’au moins 1 million de Nigérians. « Le plus grand problème, c’est la pauvreté, explique Clement Nwankwo, directeur du Policy and Legal Advocacy Centre. Elle est plus criante dans le Nord que dans le Sud. » Le pays est peut-être la première économie d’Afrique de l’Ouest et le premier producteur de pétrole du continent, il n’empêche : 70 % de sa population ne profite pas des ressources du sous-sol.
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