Le thé en pleine ébullition

Alors que les récoltes de thé, erratiques, peinent à satisfaire la demande mondiale, les prix grimpent. Pour diversifier leurs approvisionnements, les négociants, en particulier le Kenya, s’intéressent aux pays de la région des Grands Lacs.

Culture du thé au Kenya. © AFP

Culture du thé au Kenya. © AFP

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 7 mai 2011 Lecture : 3 minutes.

Si le thé, symbole de l’accueil et de l’apaisement des esprits, se déguste en toute quiétude et selon un lent cérémonial, son marché est au contraire très agité. Ces deux dernières années, les planteurs, et plus encore les négociants de la plante reine des infusions, ont bien du mal à garder leur calme face aux récoltes erratiques et aux hausses de prix qui ponctuent le marché mondial (25 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 3,7 millions de tonnes).

À l’approche de la récolte 2011, prévue en mai au Kenya, premier exportateur mondial (10 % de la production), ainsi qu’en Chine et en Inde, les deux premiers producteurs du globe, les acteurs de la filière s’interrogent. Quels seront les volumes récoltés ? Comment évolueront les prix ? Des questions qui touchent autant le thé noir (80 % de la consommation mondiale), prisé en Égypte et au sud du Sahara, que le thé vert, apprécié des Marocains et des Algériens.

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À Mombasa, la plus importante Bourse du thé noir de la planète (28 % du thé exporté s’y vend, soit 441 000 t en 2010), le kilogramme, qui pendant un quart de siècle s’est échangé à moins de 2 dollars, a entamé en 2008 une ascension impressionnante. Son prix oscille depuis 2010 entre 3 et 4 dollars (3,3 dollars début avril 2011). Une tendance identique est observée en Inde et au Sri Lanka. Quant au prix du thé vert, à 80 % chinois, il a gagné près de 20 % en 2010.

La raison ? Les sécheresses et les inondations se sont multipliées chez les pays producteurs traditionnels – Kenya, Inde et Chine – et ont fortement affecté les récoltes depuis 2005. Emblématique, la sécheresse chinoise de 2010 a fait baisser de 70 % la production de thé vert dans l’empire du Milieu. « Le thé est extrêmement sensible aux niveaux d’humidité et d’ensoleillement. Une petite hausse de température ou trop de précipitations peuvent ruiner une récolte », explique Kaison Chang, secrétaire du groupe intergouvernemental sur le thé de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Réchauffement

Les grands de la filière imputent ces aléas au réchauffement climatique. Pour s’adapter, Unilever, propriétaire de Lipton (15 % du marché mondial), Associated British Food (Twinings, 6 %), Finlays ainsi que l’indien McLeod Russel cherchent à diversifier leurs approvisionnements, qu’ils jugent trop concentrés dans les pays producteurs traditionnels. « Nous n’avons pas l’intention d’agrandir nos plantations kényanes », indique ainsi Richard Darlington, directeur du commerce de gros du groupe britannique Finlays, tout en avouant « regarder avec intérêt » ce qui se passe dans les pays voisins de l’Ouest. « Ce sont dorénavant le Rwanda, le Burundi, mais aussi l’Ouganda, des pays jugés moins vulnérables à la sécheresse, qui bénéficient de l’attention des grands du secteur », observe Kaison Chang.

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McLeod Russel, qui veut faire passer sa part de thé produit hors d’Inde de 25 % à 50 % d’ici à 2015, s’est lancé dans une politique d’acquisitions majeures. Il compte déjà six plantations en Ouganda. Et il a conclu le 1er avril un accord pour l’acquisition au Rwanda de Gisovu Tea Garden, qui ajoutera 20 000 t de thé à sa production actuelle de 100 000 t. McLeod Russel indique qu’il recherche d’autres terres dans le pays des mille collines.

À court terme, ces acquisitions ne devraient pas faire baisser les prix du thé, orientés durablement à la hausse. Car il faut trois ans pour obtenir une première récolte commercialisable issue d’une nouvelle plantation. Et, surtout, le monde veut boire toujours plus de thé. C’est le cas de la Chine, de l’Inde, de la Russie et du Pakistan. L’Afrique du Nord n’est pas en reste.

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« L’Égypte est le plus grand importateur de thé noir kényan, le pays s’adjuge 21 % des volumes exportés. En janvier et février 2011, du fait de la révolution, les achats égyptiens avaient diminué de 9 %, mais ils sont repartis à la hausse depuis, avec une consommation en mars de 20 % supérieure à celle de l’année dernière », détaille Richard Darlington. Son groupe, qui a produit 40 000 t en 2010 – dont la moitié au Kenya –, mise aussi sur des hausses de la consommation soudanaise (7 % des ventes kényanes) et tchadienne. Une seule certitude pour les spécialistes : les amateurs continueront de payer cher leur breuvage favori, au moins jusqu’en 2012. 

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