Démarche verte et industries au Maroc, les abeilles du green business
La stratégie engagée en 2009 a fait du royaume un terrain d’expérimentation privilégié pour les entreprises spécialisées dans les technologies vertes. L’objectif de faire du développement durable un moteur de croissance plutôt qu’une contrainte se concrétise.
Maroc : quand l’économie se met au vert
Huit heures du matin. Casablanca s’éveille. À un jet de pierre de l’avenue des Forces-Armées-Royales, le complexe hôtelier Accor qui domine les quais a des allures de ruche. Ils sont tous là, attaché-case à la main, BlackBerry ou iPhone vissé à l’oreille. Venus des quatre coins de la planète, les acteurs de l’économie verte entament une longue journée de rendez-vous pour proposer leurs solutions et leurs technologies aux autorités et aux entrepreneurs marocains.
Transports, agriculture, assainissement, gestion de l’eau et des déchets, construction, équipement domestique, audit de performances énergétiques ou écolabels… Tous les secteurs et toutes les filières, d’amont en aval, sont concernés.
Écoconstruction
Érigé en priorité stratégique par Mohammed VI, lors du discours du Trône, en juillet 2009, le développement durable se conjugue désormais au quotidien dans toutes les grandes agglomérations du royaume comme dans ses zones rurales, dans le public comme dans le privé. « Lorsqu’un investisseur décide de construire une unité, on l’oblige à calculer l’impact de son activité sur l’environnement », se félicite Jamila Arif, directrice de Maroc Vert Magazine, le premier mensuel marocain dédié à l’environnement et au développement durable, lancé en octobre 2010.
Ce solide et lucide dessein écologique se décline d’abord dans l’économie « classique ». Le secteur du bâtiment et des travaux publics se met progressivement au vert. De plus en plus de programmes immobiliers (comme ceux, entre autres, des groupes Lazrak, KLK et CGI) mettent en avant leur engagement en faveur de l’environnement comme argument commercial : choix des matériaux et performances énergétiques pèsent désormais autant dans la qualité et les prestations d’un logement que sa superficie, son emplacement ou son exposition. Avec, pour corollaire, de nouveaux marchés pour des centaines de PME locales et, surtout, étrangères, qui ont investi le créneau porteur de l’écoconstruction depuis déjà une dizaine d’années.
Expérience et innovation
C’est également dans ce cadre qu’a été lancé, en décembre 2010, à l’initiative de Mostafa Terrab, le directeur général de l’Office chérifien des phosphates (OCP), le projet « Ville verte », à Benguérir (à 70 km de Marrakech), sur plus de 650 ha. Toutes les solutions existantes vont être mises en œuvre pour réduire au maximum les émissions de CO2 dans la ville. Un projet pilote en Afrique avec, à la clé, plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement.
Le marché de la maison en bois, quasi inexistant il y a seulement cinq ans, explose à son tour. Dans l’économie verte comme dans le secteur des nouvelles technologies, encore plus qu’ailleurs, « le temps, c’est de l’argent ».
L’expérience de certaines sociétés se compte parfois en mois, et les opportunités de marchés ne sont pas seulement à saisir sans attendre, elles doivent être anticipées. Et les opérateurs privés marocains, même s’ils sont partis avec un léger retard sur leurs homologues européens ou américains, n’ont pas tardé à embarquer dans le TGV de cette révolution économique.
Le secteur de l’assainissement ainsi que celui de la gestion des déchets (collecte, tri, valorisation, stockage) pour le compte des collectivités locales et des industriels constituent les deux autres grands champs de développement de l’économie verte. Bien entendu, ils n’ont pas manqué d’attirer les leaders étrangers, notamment français, qui ont fait main basse sur les marchés des grandes agglomérations (Casablanca, Rabat et Tanger), grâce à leur expérience et à leur entregent diplomatique. Mais de nombreuses PME, marocaines et étrangères, sont aussi entrées dans la danse, en proposant des solutions plus souples, souvent innovantes, pour répondre aux besoins très divers, comme la gestion des déchets des petites collectivités locales, ou celle de déchets industriels banals (DIB : papier, bois, carton, verre, gravats) ou de déchets industriels spéciaux (DIS : amiante, hydrocarbures, solvants) pour les PMI.
Une nouvelle économie
Autre exemple, celui de la société nationale des Autoroutes du Maroc (ADM), qui vient d’adopter une nouvelle mesure : recycler les produits bitumineux pour la fabrication des nouvelles couches de la chaussée. Écodécision d’une société publique qui sera mise en œuvre par ses partenaires privés. « Il faut que les entreprises qui s’installent au Maroc s’associent pleinement à la démarche sociétale voulue par les pouvoirs publics », explique Lionel Valentini, directeur du développement de la société casablancaise Synapse-Idée.
Spécialisée dans le recyclage des DIB (dont elle assure la traçabilité pour éviter qu’ils n’alimentent le marché informel), Synapse-Idée s’engage contractuellement à reverser 50 % de la valorisation des déchets qui lui sont confiés dans des actions caritatives et de préservation de l’environnement.
La démarche verte engagée depuis deux ans dans les discours et les grands programmes du royaume est, résolument et en profondeur, en train de transformer l’économie.
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