Dieynaba Ndoye Bakiri, haute en couleurs

Cette jeune Sénégalaise a tout réussi, jusqu’à occuper un poste important dans une grande entreprise de services pétroliers. Avant de se lancer dans les soins de beauté consacrés avant tout aux femmes noires et métisses.

Dieynaba Ndoye Bakiri. © Camille Millerand pour J.A.

Dieynaba Ndoye Bakiri. © Camille Millerand pour J.A.

Publié le 28 avril 2011 Lecture : 4 minutes.

Niveau – 2 du Forum des Halles, à Paris. Des suspensions parme illuminent la baie vitrée d’une boutique. Sur sa devanture, en relief, des lettres couleur argent : « Colorii ». La première enseigne française dédiée à « tous les coloris de femmes » dispose d’un salon de coiffure, d’une cabine de soins, et propose une large gamme de produits cosmétiques, dermatologiques et capillaires.

Drapée dans un manteau anthracite, que chatouillent ses extensions châtains, la présidente, Dieynaba Ndoye Bakiri, 35 ans, scrute les présentoirs laqués, replace ici des articles, referme là un tiroir d’un discret déhanché… Pas maniaque, mais perfectionniste. D’autant que, si elle adore danser et barouder à l’étranger, elle voue un véritable culte au maquillage. « Ce n’est pas qu’une affaire d’esthétique, défend-elle. C’est une transformation qui donne de l’assurance. » Une assurance que l’enfant de Dakar acquiert bien avant d’apprendre à farder ses paupières. « Je n’ai jamais eu peur de me lancer dans quoi que ce soit, parce que mes parents ont toujours été derrière moi pour me dire que je pouvais aller au-delà de mes limites. » Du coup, dès l’école, la cofondatrice du magazine de beauté noire Shenka « cherchait toujours à être la première », comme en témoigne son petit frère Ahmed Ndoye, directeur des achats chez Colorii.

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La jeune polyglotte (français, wolof et anglais) se distingue dans toutes les matières. Tant au Sénégal que dans les écoles françaises d’Irak, d’Angleterre et du Koweït, où son père exerce comme fonctionnaire d’ambassade. Mieux. Aînée, deuxième maman et compagne de jeu, elle aide, jusqu’à aujourd’hui, ses huit frères et sœurs à atteindre les sommets. Et montre l’exemple. En septembre 1994, après l’obtention de son bac scientifique, elle s’envole pour l’Hexagone. Elle n’y a aucun proche et, malgré sa bourse d’État sénégalaise, doit travailler comme fille au pair pour financer ses études. Souvenir. « L’une des familles avait toujours des petites remarques : “Quand elle sourit dans le noir, on ne voit que ses dents !” ou “Quand ils cuisinent, ils utilisent beaucoup de friture. Ça encrasse la pièce”… » Rien d’« extrêmement grave » par rapport au fait qu’une partie de ses quarante employés, à 80 % noirs, peinent à trouver un logement, « malgré leur salaire ».

De son côté, elle a « toujours privilégié les entreprises qui avaient une politique “diversité” ». D’où son stage de fin d’études chez Schlumberger, une société franco-américaine de services pétroliers qui finit par l’embaucher. « Même si je devais prouver mes capacités et mon excellence deux fois plus parce que je suis une femme, noire de surcroît, j’ai gravi les échelons. » En Angleterre, cette mère de deux enfants est devenue responsable des ventes de systèmes de transactions informatiques. Plus tard, en France, elle a été chargée des ventes de systèmes de sécurité informatique pour l’Europe. Avant d’être promue directrice du recrutement et de la communication auprès des grandes écoles.

Arrive 2006. Schlumberger souhaite réduire ses effectifs. Dieynaba Ndoye Bakiri et son amie Cécile Abric partent avec un « petit pactole ». Elles décident de monter une entreprise. L’une pense à un parc d’attractions pour enfants et l’autre, opposée au blanchiment de la peau, penche pour un espace beauté consacré aux femmes noires ou métisses. « J’étais frustrée dans les centres commerciaux ! Il me fallait bloquer une journée par mois pour me faire coiffer, acheter des produits capillaires, du maquillage… C’était vraiment une injustice que tout le monde trouve son bonheur dans un seul et même endroit, sauf nous ! » Pour convaincre Cécile Abric, la farouche l’emmène dans le quartier parisien de Strasbourg-Saint-Denis. « Voir Dieynaba, une femme élégante, moderne, avancer dignement au milieu d’une masse de gens qui l’alpaguent pour lui proposer un tissage, un soin des ongles… Je me suis rendu compte que les besoins étaient immenses. » Il faut deux ans pour finaliser le concept Colorii, convaincre les banques et rassurer les partenaires. En septembre 2007, la première boutique ouvre aux Halles. Effet boule de neige en région parisienne. Les centres commerciaux de Rosny 2 et Évry 2 accueillent un établissement puis, à Argenteuil et à la Défense, on inaugure deux beauty stores consacrés aux cosmétiques.

L’ambiance en coulisses ? « Diey­naba est très organisée et hyper à l’écoute », observe Cécile Abric. Léger bémol pour Ahmed Ndoye, 34 ans, qui reconnaît que ce n’est pas tous les jours facile. « On n’a pas peur de se dire les choses en face. Parfois, le ton monte, mais on essaie de ne pas aller au-delà. » Outre les éphémères prises de bec, le frangin note qu’« on a parfois du mal à comprendre l’optimisme de Dieynaba dans le contexte morose de crise ». Néanmoins, le chiffre d’affaires « a triplé en trois ans, pour atteindre 3,5 millions d’euros en 2010 ».

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Toujours en quête de challenges et « grand défenseur de l’entrepreneuriat », Dieynaba envisage d’ouvrir un Colorii au Sénégal – terre du « repos de l’esprit », où elle se rend chaque année pour retrouver ses parents.

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