Barack Obama : acte II, scène 1
Le président américain Barack Obama l’a annoncé le 4 avril : il briguera un second mandat en 2012. Avec de réelles chances de succès à en juger par l’amélioration – même lente – de la situation économique.
Le 4 avril, Barack Obama a annoncé sur son blog sa candidature à un second mandat présidentiel. Bien que, trois jours plus tard, il ait été contraint de conclure avec ses opposants républicains un compromis douloureux prévoyant des économies budgétaires d’un montant appréciable – 38,5 milliards de dollars –, son bilan lui permet-il d’espérer une réélection ?
« Il n’aura pas trop de mal à le “vendre” à ses concitoyens, estime Bruno Cavalier, économiste en chef chez Oddo Securities. Il leur dira : “J’ai hérité de Bush la récession du siècle, conséquence de l’effondrement des secteurs financier et immobilier, ainsi qu’un chômage dramatique. Quatre ans plus tard, la croissance est revenue, Wall Street est en bonne forme et le chômage en baisse.” »
De fait, quand, en janvier 2009, Obama prend ses fonctions, l’économie américaine part en vrille. Douze millions de foyers sont surendettés et 7 millions risquent la saisie de leur habitation. Les constructeurs automobiles (General Motors, Chrysler) sont au bord du dépôt de bilan, 7,5 millions d’Américains ont perdu ou vont perdre leur emploi et le chômage enfle. Le président décrète alors le retour de l’État et de l’interventionnisme dans un pays mis à mal par un laisser-faire débridé : son gouvernement lance un plan de soutien de 787 milliards de dollars, nationalise pratiquement l’automobile, épaule fiscalement les ménages souhaitant acheter un logement et investit dans l’éducation et les infrastructures
3 % de croissance
Ce volontarisme amortit la chute et empêche le taux de chômage de s’envoler à 25 % ou 30 %. Aujourd’hui, la croissance américaine progresse à nouveau au rythme de 3 %. « Le marché du travail s’améliore, confirme Inna Mufteeva, économiste chez Natixis. L’économie a créé 230 000 emplois en mars, et le taux de chômage est redescendu à 8,8 %. »
Péniblement, le nouveau président tient ses promesses. En mars 2010, au terme d’âpres négociations, il promulgue une réforme de l’assurance maladie qui permet à 32 millions d’Américains qui en étaient privés de jouir d’une couverture santé. En juillet, il signe la loi Dodd-Frank, afin de mettre Wall Street au pas. Objectif : faire en sorte que « les Américains n’aient plus jamais à payer pour les erreurs » des spéculateurs.
Adepte du soft power et du consensus bipartisan, Obama excelle dans le compromis. Fin 2010, il renonce à supprimer les exonérations fiscales décidées par Bush pour les foyers gagnant plus de 250 000 dollars par an – ce qui ampute de 700 milliards de dollars le budget fédéral – pour obtenir des congressistes républicains qu’ils acceptent des réductions d’impôts pour les foyers plus modestes, et, pour les chômeurs en fin de droits, un prolongement de treize mois de leurs indemnités.
En Europe, cette social-démocratie très modérée aurait valu au chef de l’État un surcroît de popularité et des succès électoraux. Pas aux États-Unis, où le conservatisme connaît un spectaculaire regain. Lors des élections de la mi-mandat, en novembre 2010, les démocrates ont perdu le contrôle de la Chambre des représentants.
Principale explication de cette ingratitude : la situation du marché de l’emploi. Habitués à voir leur économie se redresser très vite après une crise, les Américains estiment que leur président n’en avait pas assez fait, pas assez vite. La réforme de la couverture santé fait les frais de cette grogne. Elle est aujourd’hui rejetée par la majorité d’entre eux… même s’ils approuvent chaque mesure prise isolément, à l’exception de l’obligation de souscrire une assurance maladie. Car ils restent viscéralement individualistes et hostiles à l’intervention de l’État. Le phénomène des Tea Parties a fait son miel de l’inquiétude des ménages très endettés, qui craignent une augmentation de leurs impôts. Le sénateur républicain Mitch McConnell a résumé le sentiment majoritaire en accusant Obama d’avoir « empâté l’État fédéral », ouvrant ainsi la voie aux élus des Tea Parties les plus extrémistes, qui réclament 100 milliards de dollars d’économies budgétaires.
Pourtant, les faiblesses de la politique menée depuis deux ans sont ailleurs. « La réforme de la couverture santé a été menée sans précaution, critique Christophe Destais, directeur adjoint du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Obama s’est cru obligé de reprendre à son compte cette promesse de campagne de Hillary Clinton. Mais, pour la mener à bien, il a choisi de passer par le Congrès, toujours très sensible aux pressions des lobbies. Résultat : le dispositif est d’une complexité effroyable et devrait se traduire par une forte augmentation des dépenses de santé. On ne fait pas ça en ces temps de dérapage des déficits publics » – le chiffre de 1 000 milliards de dollars en dix ans est couramment avancé.
Surtaxer les riches ?
« En matière de finances publiques, rien n’a été fait pour stopper la montée des déficits, analyse Bruno Cavalier. Les démocrates entendent les réduire en surtaxant les riches, ce qui n’est pas à la hauteur d’un déficit budgétaire qui atteindra cette année 1 600 milliards de dollars et d’une dette qui dépassera prochainement 14 290 milliards. Les républicains, eux, veulent diminuer la taille de l’État, qui est loin d’être aussi gigantesque qu’ils le prétendent : la part des recettes publiques rapportée au produit intérieur brut américain n’est que de 25 %, contre 50 % en Europe. Enfin, aucun des deux partis ne souhaitant toucher aux programmes sociaux ou militaires, les économies ne peuvent porter que sur 20 % du budget fédéral. »
On aurait pu s’attendre à une politique immobilière vigoureuse, puisque la crise a pris naissance dans ce secteur. Or le crédit d’impôts de 8 000 dollars pour les ménages achetant un premier logement s’est révélé coûteux et inefficace, comme le souligne un rapport du FMI publié le 5 avril. « Le gouvernement avait la possibilité d’accélérer le processus de désendettement des ménages, souligne Inna Mufteeva. Il aurait pu apporter une aide plus solide aux ménages les plus solvables. » Ce qui aurait permis de tirer plus vite le marché du logement du marasme et de limiter le nombre des saisies (un million en 2010).
Il n’empêche que la trajectoire économique de Barack Obama est favorable à ses ambitions électorales. Depuis le début de l’année, il est dans les sondages à plus de 50 % d’opinions favorables. Les républicains apparaissent de plus en plus comme le « parti du non », sans chef ni programme. Il ne lui reste plus qu’à attendre que le taux de chômage recule jusqu’aux 7,5 % fatidiques au-dessus duquel aucun président américain n’a été réélu depuis 1945.
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