Israël – Égypte : casse-tête gazier
Un gazoduc égyptien alimentant Israël et la Jordanie a été rendu hors service par une attaque mercredi matin. C’est la deuxième du genre en moins de trois mois et elle risque de compliquer encore la révision des accords gaziers annoncées par le Premier ministre égyptien. L’État hébreu craint une rupture de son approvisionnement.
Dimanche 30 janvier 2011. Tandis que la contestation gagne l’ensemble des villes égyptiennes, à Tel-Aviv, Yossi Maïman réunit en urgence les partenaires d’East Mediterranean Gas (EMG). Il est l’un des principaux actionnaires de cette compagnie qui gère l’approvisionnement de l’État hébreu et des pays arabes en gaz égyptien. Sur les marchés boursiers, la valeur d’EMG s’est effondrée. L’homme d’affaires israélien veut avant tout rassurer les investisseurs du groupe, au rang desquels le puissant holding Israel Corporation. Proche des autorités du Caire, Maïman affirme avoir « l’assurance que les accords gaziers seront respectés. Moubarak a l’intention de se retirer. L’armée contrôle déjà le pays de facto. Il n’y a aucune crainte à avoir ».
Mais le 13 avril, le Premier ministre égyptien, Essam Charaf, a annoncé une révision de tous les accords gaziers et préconisé d’appliquer « le juste prix ». De quoi accentuer l’inquiétude de l’État hébreu, d’autant qu’un événement majeur est venu altérer l’optimisme de Yossi Maïman : le sabotage à l’explosif du gazoduc sous-marin reliant El-Arish, dans le nord du Sinaï, à la ville côtière d’Ashkelon, dans le Sud israélien. Le 5 février, l’Égypte décide de suspendre, sine die, ses exportations de gaz. Il faudra d’intenses pressions américaines pour que ces dernières reprennent, partiellement, le 15 mars. Les pertes occasionnées par cette interruption s’élèvent à 54 millions de dollars (37 millions d’euros) pour la société EMG et à 1,5 million de dollars par jour à l’économie israélienne.
Enjeu stratégique
Le gaz égyptien représente un enjeu stratégique majeur pour l’État hébreu. Depuis 2007, l’Égypte assure 40 % de ses besoins en gaz naturel, soit entre 15 % et 20 % de son énergie consommée. À l’origine, l’accord, d’un montant de 2,5 milliards de dollars, porte sur la vente annuelle – pendant quinze ans – de 1,7 milliard de mètres cubes de gaz à la Compagnie israélienne d’électricité (IEC). Mais, le 13 décembre dernier, trois autres sociétés israéliennes ont à leur tour décroché un imposant contrat avec EMG qui prévoit, moyennant 10 milliards de dollars, l’achat de gaz naturel égyptien jusqu’en 2030. En principe, les importations auraient dû atteindre 3 milliards de mètres cubes en 2011 et passer progressivement à 8 milliards de mètres cubes par an. Ces accords bilatéraux sont aujourd’hui menacés par l’incertitude politique qui règne en Égypte. La vente de gaz à Israël a toujours été fortement dénoncée par l’opposition égyptienne, notamment par les Frères musulmans, qui accusaient Moubarak de brader les richesses du pays à l’« ennemi sioniste ». En cas de victoire de la confrérie lors des prochaines élections, nul doute que cet argument reviendra au premier plan.
Le gisement de la discorde
Bien plus qu’un affaiblissement des relations économiques avec son grand voisin arabe, Tel-Aviv redoute qu’une rupture des accords gaziers n’entraîne une pénurie temporaire, l’obligeant ainsi à puiser dans ses propres réserves. À l’heure actuelle, seul le gisement Yam Thetis, situé au large d’Ashkelon, offre à l’État hébreu une solution alternative, mais uniquement à court terme, car son exploitation prendra fin en 2013. La situation paraît d’autant plus absurde qu’Israël pourrait devenir l’un des premiers exportateurs mondiaux de gaz. Au sud de Chypre, le réservoir Léviathan recèlerait 453 milliards de mètres cubes de gaz, de quoi alimenter toute l’Europe pendant une décennie et assurer à Israël un demi-siècle d’indépendance énergétique. Au préalable, le forage de ce gigantesque trésor, deux fois plus important que le Tamar – découvert au large de Haïfa il y a trois ans – nécessite l’aménagement d’usines de liquéfaction extrêmement coûteuses, lesquelles ne seront opérationnelles qu’en 2016. Pour compliquer un peu plus la donne, voilà que l’ancien ministre égyptien du Pétrole, Sameh Fahmi (aujourd’hui détenu et accusé d’avoir bradé le gaz égyptien à destination de l’État hébreu), déclarait, fin janvier, que son pays songeait à « revendiquer sa part dans les gisements de gaz découverts au large des côtes israéliennes ».
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