Pendant ce temps, à Tunis…

Grèves, marches, débats passionnés au sein des comités de quartier… Dans la capitale tunisienne, l’effervescence est loin d’être retombée.

Devant le siège du groupe Karoui et Karoui, actionnaire principal de Nessma TV. © Nicolas Fauqué/imagesdetunisie.com

Devant le siège du groupe Karoui et Karoui, actionnaire principal de Nessma TV. © Nicolas Fauqué/imagesdetunisie.com

Publié le 4 mai 2011 Lecture : 3 minutes.

Dans ce bar de la rue de Marseille, dans le centre-ville de Tunis, se croisent journalistes et syndicalistes, artistes et hauts fonctionnaires, avocats et entrepreneurs. Déjà du temps de Ben Ali, on y refaisait le monde. Mezza voce. La liberté de parole retrouvée, les échanges se transforment très vite en brouhaha. « Nous vivons la malédiction du jasmin, hurle un journaliste.

– Qu’est-ce que tu racontes ? lui rétorque un syndicaliste.

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– Pour avoir récusé l’appellation “révolution du jasmin”, l’air de Tunis est devenu irrespirable. »

Depuis une semaine, les éboueurs sont en grève. Ils reprochent au gouvernement de Caïd Essebsi d’être revenu sur un accord entre leurs représentants et le gouvernement précédent. La ville croule sous des amas de déchets ménagers et de détritus. « Tunis ? C’est Naples il y a quelques mois », plaisante Issam, bassiste dans un groupe de rock, qui distribue des flyers annonçant un concert dans une petite salle privée. D’autres jeunes proposent l’acte de naissance de leur ONG. Quelques dizaines d’étudiants tentent une marche sur le ministère de l’Intérieur, avenue Bourguiba. Plus loin, les salafistes du parti El-Tahrir, interdit car favorable à l’instauration du califat, jouent au chat et à la souris avec les éléments de la Brigade de l’ordre public (BOP). La police a fait un retour remarqué au cœur de Tunis depuis le changement de ministre de l’Intérieur. Les effectifs ont été renforcés par de jeunes éléments qui n’ont sans doute pas eu le temps d’achever leur formation, avec pour tout uniforme un gilet barré de la mention « police » qu’ils portent sur leurs habits de civils.

Quête du consensus

L’agitation est quasi permanente dans le centre de Tunis. Au bout de l’avenue Bourguiba, la porte de France. La cathédrale bénéficie du même dispositif de sécurité que le ministère de l’Intérieur : fils barbelés, blindés. L’entrée de la médina est envahie par des vendeurs à la sauvette. Après avoir protesté, pétitionné, marché et manifesté, les commerçants, asphyxiés par les nombreux étals de l’informel, ont fini par baisser les bras.

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Contrairement aux populaires Hay el-Tadhamen ou Mellassine, le quartier du Bardo, 90 000 riverains, terre d’accueil des deux Chambres du Parlement, n’est pas un haut lieu de la révolution. Cela n’a pas empêché ses habitants de se doter d’un comité local de défense de la révolution. Tahar Chagrouche, un ancien de Perspectives (mouvement de gauche clandestin sous Bourguiba), a été choisi pour le présider. Il est composé des représentants de vingt-huit partis, des nationalistes démocrates du Watad aux islamistes d’Ennahdha. Le syndicat, Union générale tunisienne du travail (UGTT), est représenté par ses fédérations de la santé et de l’éducation. On se réunit, on débat, parfois avec véhémence. La quête de consensus est fastidieuse, mais on y parvient. Comme le choix d’organiser un concert de rap pour fêter la naissance de la structure. Kamel Dridi, représentant d’Ennahdha, ne s’y est pas opposé. En revanche, il a refusé de distribuer à la sortie de la mosquée des tracts annonçant le concert, comme le suggérait, un tantinet malicieux, un membre du comité. Autre initiative, l’invitation d’éminents constitutionnalistes pour un séminaire afin d’édifier les citoyens du Bardo sur le mode de scrutin, les avantages et les inconvénients d’une Constituante…

S’ils sont structurés au niveau local, les comités de défense de la révolution, si prompts à dénier toute légitimité aux gouvernements et aux instances de la transition, ne pèsent guère sur le débat, faute d’organisation au niveau national. « Bonne nouvelle, se réjouit Khemaïs, enseignant à la faculté de droit : un premier congrès régional s’est tenu le 9 avril, à Nabeul. Les autres suivront en attendant que la capitale organise le sien. Quand on tiendra enfin notre congrès, la révolution aura son instance légitime. » Une institution parallèle à celles qui naîtront du processus électoral ? « Non, assure Tahar Chagrouche, une structure de vigilance. »

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