« Pas d’élection dans ces conditions », promet l’opposant tchadien Saleh Kebzabo
Saleh Kebzabo préside l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau, principal parti d’opposition au Tchad. Il a renoncé à être candidat à la présidentielle du 25 avril.
A la tête de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR), parti qu’il a fondé dans les années 1990 et qui est aujourd’hui la principale formation de l’opposition tchadienne, avec onze députés à l’Assemblée nationale, Saleh Kebzabo s’était déclaré candidat à la magistrature suprême, avant d’annoncer qu’il suspendait sa participation.
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Jeune Afrique : Pourquoi vous être désisté pour la présidentielle ?
Saleh Kebzabo : J’étais déterminé à remporter le scrutin. Malheureusement, les législatives du 13 février ont montré qu’il y avait des failles dans notre système électoral. Nous nous attendions à des élections propres, mais nous avons été grugés. Dans ces conditions, il n’y a pas de démocratie possible. Pourquoi aller à la présidentielle ? Pour faire de l’accompagnement, légitimer un système, faire plaisir à la communauté internationale, qui se contente des résultats d’une élection sans se demander comment elle s’est déroulée ?
Le processus était pourtant consensuel, avec une Commission électorale nationale indépendante. Comment peut-on frauder dans un tel contexte ?
Le Tchad a les meilleurs textes électoraux du continent. Mais il y a une marge entre les textes et leur application. La Commission électorale nationale indépendante [Ceni, NDLR] est paritaire, c’est vrai. Mais dans les bureaux de vote, dans les sous-préfectures, ce n’est plus la même Ceni, ni le même état d’esprit. En outre, le chapitre 4 de l’accord politique de 2007, où il est question de l’amélioration du climat politique, de la neutralité de l’administration, de la non-participation de certaines catégories de population à la vie politique, y compris les militaires, n’a pas été appliqué.
L’opposition tchadienne, réputée versatile, est-elle encore crédible ?
Tant que certains d’entre nous n’auront pas réglé leurs problèmes de base, c’est-à-dire de survie, le cafouillage va se poursuivre. Lorsqu’une catégorie de citoyens trouve dans les fonctions gouvernementales un moyen de s’accomplir, la notion d’opposant ne peut qu’être dévoyée. En Afrique, l’opposition n’est pas idéologique. Elle est souvent soumise à des contraintes alimentaires.
Vous avez vous-même été, jadis, un allié du président Idriss Déby Itno. Pourquoi avez-vous rompu avec lui ?
Ce qui nous divise n’est pas nouveau. J’avais pensé, à une certaine époque, que je pouvais faire de l’« entrisme » pour essayer de changer les choses de l’intérieur. Ce fut un échec. Depuis une dizaine d’années, je campe dans l’opposition. C’est mieux ainsi, parce que Idriss Déby Itno et moi n’avons pas la même culture politique. N’ayant jamais milité politiquement, il s’est fait sous Hissène Habré [au pouvoir de 1982 à 1990, NDLR]. Les survivances du système Habré sont restées en lui. Je lui reproche essentiellement son manque de vision politique. Marqué par l’esprit du parti-État, c’est un partisan du tout ou rien. Il y a aussi la manière avec laquelle il exerce le pouvoir. Tant que la programmation des actions gouvernementales ne sera pas discutée à l’Assemblée nationale, je serai contre ses méthodes.
Que va devenir l’accord politique d’août 2007 ?
Cet accord peut difficilement tenir. Le chef de l’État doit reconnaître que ça n’a pas fonctionné et accepter qu’on se retrouve pour faire le bilan et discuter du nouveau contexte politique. Dans l’opposition, la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution fera elle-même son bilan. Elle ne survivra pas sous sa forme actuelle.
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Propos recueillis par Tshitenge Lubabu M. K.
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