Nicolas Hulot, le trouble-fête
Décidé à sauver la planète et les hommes, l’animateur télé écolo est entré dans la course à la présidentielle de 2012.
Séquence (politique) fiction ! Janvier 2013. Pour sa troisième rencontre officielle avec Barack Obama, le président de la République française s’est posé sur la pelouse de Camp David à bord de son planeur biplan à pédales. Quelques jours à peine après avoir présenté ses vœux aux Français depuis le sommet du K2 (dans l’Himalaya), l’un des plus difficiles à atteindre. Fidèle à son programme de campagne, il va tenter de convaincre son homologue américain de le soutenir dans sa croisade contre les industries polluantes…
Animateur télé immergé dans le grand bain politique, avec pour objectif de sauver la planète, Nicolas Hulot est, comme tous les idéalistes, une cible facile. Il le sait. Au Monde Magazine, il déclare : « Le système politique fonctionne comme un corps : dès que je laisserai penser que j’y vais, tous les éléments du système immunitaire vont se mettre en place pour m’éjecter. » Mais l’homme est capable de se jeter tout habillé dans un torrent d’eau glacée. Le 13 avril, il a donc annoncé sa candidature à l’élection présidentielle française de 2012. À Sevran, en Seine-Saint-Denis, le créateur de l’émission Ushuaïa (1987) a prononcé son premier discours de campagne : « Il faut changer de cap. […] Ma responsabilité est de passer à une autre étape. J’ai donc décidé […] de mettre le capital de confiance que j’ai pu accumuler auprès des Français au service du changement. »
Aussitôt, les balles ont fusé de toutes parts, de la gauche, de la droite, du centre et même des espaces verts. Parce que, lorsque l’on a l’outrecuidance d’envisager un « nouveau modèle de développement », plus en harmonie avec la nature, il faut être soi-même un pur se nourrissant d’herbe et d’eau de source. Surtout, ne pas toucher quelque 30 000 euros par mois de son employeur (TF1), ne pas engranger les royalties de la marque que l’on a créée (Ushuaïa) et ne jamais accepter le mécénat de L’Oréal ou d’EDF… D’ailleurs, c’est bien connu, Dominique Strauss-Kahn reverse à une ONG les 400 000 dollars annuels que lui octroie le FMI, et Nicolas Sarkozy ne passerait jamais une seconde sur le yacht de son ami Vincent Bolloré ! Et puis il faudrait être clair : de droite ? de gauche ? pour ou contre le nucléaire ?
Il fait peur
En réalité, Nicolas Hulot fait peur. À la droite, parce qu’elle a trahi son Pacte écologique – qu’elle avait signé lors de la présidentielle de 2007 – et qu’il a dit clairement ne pas être de son camp : « Ma candidature s’inscrit dans le souci de l’intérêt général et elle se situe à l’opposé des choix, des méthodes et de la vision de la majorité actuelle. » Au centre et à la gauche, parce qu’il leur prendra des voix – et pas seulement chez les 160 000 abonnés de la revue naturaliste La Hulotte ! Aux Verts, parce qu’il est facteur de division. C’est d’ailleurs avec Europe Écologie-Les Verts que Nicolas Hulot va devoir croiser le fer, le courant écologiste étant scindé entre ceux qui le soutiennent (Jean-Paul Besset, Yves Cochet), ceux qui préfèrent Eva Joly (Dominique Voynet, Noël Mamère) et ceux qui attendent (Daniel Cohn-Bendit, José Bové). La bataille des primaires doit avoir lieu en juin.
Frange taillée à l’emporte-pièce, pull confortablement vieillot, Nicolas Hulot effraie (chouette !) tous ceux qui envient sa puissante aura médiatique. Certes, il va lui falloir développer son programme économique et social pour espérer transformer sa popularité en poids politique. Mais, poussé par un intense sentiment d’urgence, il possède déjà ce que beaucoup d’hommes politiques ont perdu : un idéal qui ne se mesure pas seulement à l’aune de ses ambitions.
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