RDC : sur les traces des assassins de Kabila
Marlène Rabaud et Arnaud Zajtman se penchent sur le meurtre du président congolais en 2001. Un forfait qui a profité à plus d’un.
Tout commence avec une caméra dissimulée dans l’étui d’une Bible et des images bancales d’une cour de Makala, la prison de Kinshasa. Puis le caméraman clandestin apparaît : Antoine Vumilia, ex-agent de renseignement, l’une des cinquante et une personnes condamnées pour l’assassinat du président congolais Laurent-Désiré Kabila (LDK), le 16 janvier 2001. « Je suis là parce qu’il faut que quelqu’un paie. Je suis là parce qu’il fallait très vite donner au peuple […] une réponse », ânonne-t-il devant le mur vert délavé de sa cellule. Son témoignage constitue le fil rouge de Meurtre à Kinshasa. Réalisé par la documentariste Marlène Rabaud et l’ancien correspondant de la BBC à Kinshasa Arnaud Zajtman, ce film entreprend de résoudre une énigme encore brûlante : qui a tué Laurent-Désiré Kabila ?
Malgré un procès devant une cour militaire, en 2002, la justice congolaise n’a jamais identifié les véritables motifs et auteurs de l’assassinat du « Mzee », père de l’actuel chef de l’État. Son aide de camp, le colonel Eddy Kapend, a été désigné comme le commanditaire et coupable numéro un. Des images d’archives le montrent, droit comme un « i » dans son uniforme, apprenant sa condamnation à mort tandis que des militaires arrachent ses galons. N’ayant pas été exécuté, il croupit à Makala mais refuse de témoigner. Peut-être dans l’espoir d’une grâce. Pour beaucoup, Eddy Kapend, comme les autres condamnés, est innocent : « Je ne pense pas que ce soit eux, ils ont porté le chapeau », dit Abdoulaye Yerodia, sénateur et compagnon de route de LDK. Des ONG réclament en vain que le dossier soit rouvert. À la fin du film, Arnaud Zajtman interroge Joseph Kabila lors d’une conférence de presse : « L’affaire se trouve entre les mains de la justice », élude celui-ci.
Boîte de pandore
Pour les autorités, l’assassinat doit rester une affaire classée. Un nouveau procès pourrait ébranler un mythe fondateur du régime : celui d’une justice efficace. Dans la boîte de Pandore, il y a de sombres intrigues qui pourraient écorner la légende d’un Laurent-Désiré Kabila martyr et, indirectement, saper la légitimité de son successeur, son fils.
À la question qu’il pose, le film d’Arnaud Zajtman n’apporte pas de réponse univoque. Mais grâce à de nombreux témoignages, il explore des pistes convergentes qui permettent d’ébaucher un scénario. Il y a d’abord l’amertume de deux jeunes gardes du corps lâchés par Kabila. Le premier, Rachidi Kasereka, a appuyé sur la gâchette. En aide de camp loyal, Eddy Kapend l’a abattu dans la foulée. Le second, Georges Mirindi, attendait Rachidi dans une voiture. Emprisonné, il s’est évadé et exilé en Suède. L’homme sait tout mais ne livre pas ses secrets à Arnaud Zajtman. Néanmoins, il ne désapprouve pas vraiment les pistes proposées.
Une hypothèse s’impose : l’assassinat est certainement le résultat d’une somme de vengeances dont Rachidi et Mirindi ont été les exécutants. Après le meurtre, Mirindi trouve refuge chez un certain Bilal Héritier. Très introduit auprès de LDK, ce diamantaire libanais avait perdu ses prérogatives quand, en quête de liquidités, le Mzee avait décidé de confier le monopole du diamant congolais à un concurrent israélien, IDI-Congo. Mirindi et Héritier se réfugieront au Rwanda et dans l’est du Congo, où ils profiteront de la bienveillance de la rébellion, soutenue par Kigali, qui sévit à l’époque.
Les États-Unis font aussi partie des mécontents. Antioccidental revendiqué, LDK rappelle de mauvais souvenirs de guerre froide à Washington. Selon le témoignage de Mwenze Kongolo, ministre de la Justice de LDK, la carte de visite de l’attachée militaire américaine à Kinshasa, Sue Ann Sandusky, qui a quitté le pays dans la foulée de l’assassinat, a été retrouvée sur Rachidi. Au verso, elle portait ce petit mot : « S’il vous arrive quelque chose, contactez […] » Interrogée, Sue Ann Sandusky admet qu’elle avait des « contacts très informels » avec Rachidi, et Mirindi a même « pris quelques bières » avec eux. « L’élimination de Kabila arrangeait les Américains et ils ont peut-être laissé faire », dit la voix off. Avant cette conclusion d’Antoine Vumilia, qui s’est évadé depuis : « On ne bâtit pas un pays sur la base de mensonges. »
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