Présidentielle française : la PME Hollande va son chemin
Face à DSK ou à Martine Aubry, ces grandes entreprises politiques, il se présente comme un homme simple, normal, proche des gens et de son terroir corrézien. Pour le moment, ça marche !
Il est parti de très loin, très tôt. Ira-t-il, comme il l’assure, jusqu’au bout de la primaire socialiste, en octobre, voire, comme il l’espère, jusqu’au second tour de la présidentielle de 2012 ? Au vu de sa précampagne officieuse, entamée dès juin 2009, et de l’écho que sa candidature, officielle depuis le 31 mars, rencontre dans l’opinion, on est tenté de le croire. Sondages encourageants, médias bienveillants, ralliements multiples, kilos évaporés et amour retrouvé (la journaliste Valérie Trierweiler)… La chance semble enfin sourire à François Hollande, ce surdoué aux fausses allures de dilettante, qui l’a si souvent laissée filer.
Fini le temps où, premier secrétaire d’un Parti socialiste archidivisé (1997-2008), il passait pour le gentil organisateur d’une machine à perdre. Fini l’époque où, à force de cultiver l’art de la synthèse molle, il se mettait à dos tous les courants. Hollande excellait dans le rôle du Schtroumpf farceur (« Monsieur Petites Blagues », l’avait surnommé Laurent Fabius) et du parfait dégonflé. Patron du PS, il n’en profitait pas pour briguer la magistrature suprême. Compagnon de l’ambitieuse Ségolène, il s’était effacé, en 2007, devant la mère de ses quatre enfants, alors au zénith dans les sondages, avant qu’elle ne le congédie du domicile conjugal par un communiqué vengeur, en pleine soirée des législatives.
Au grand regret de ses rivaux potentiels à la primaire – les plus dangereux étant Dominique Strauss-Kahn, s’il descend de son Olympe washingtonien, et Martine Aubry, sa successeure à la tête du PS –, le Hollande d’aujourd’hui n’est plus, comme aurait dit Staline, un « socialiste de margarine ». Depuis qu’il a quitté la direction du parti, il s’est désinhibé, libéré. Affiné et affirmé. Ses concurrents ne s’y trompent pas. Lors de son dernier passage à Paris pour le sommet du G20, fin février, DSK a demandé à le rencontrer afin de sonder ses intentions. Et Aubry a raillé lourdement le côté provincial de sa déclaration de candidature (il l’a faite à Tulle, son fief corrézien) pour ne pas, elle aussi, paraître inquiète. Au même moment, elle rendait public le projet socialiste élaboré sous son égide. Et faisait signer à quarante-sept députés une pétition à sa gloire.
Oreille distraite. Eh bien, qu’a fait Hollande face à ce télescopage médiatique (et constatant qu’on lui avait « emprunté » l’idée de mettre l’accent sur la jeunesse) ? Rien, il a continué son bonhomme de chemin. « Je n’ai conclu aucun pacte, aucun arrangement. Les autres, ce n’est pas mon problème ; mon problème, c’est de convaincre les Français », répète-t-il, allusion transparente à la promesse que DSK et Aubry se sont faite de ne pas se présenter l’un contre l’autre.
Hollande n’écoute plus que d’une oreille distraite la musique de ses petits camarades et joue sa propre partition. Il choisit ses interventions, délaisse les réunions du bureau national, mais ne sèche jamais les questions des députés à l’Assemblée nationale, dont la séance est retransmise à la télévision. Bien sûr, il sillonne ses terres de Corrèze sur les traces de Jacques Chirac, séduisant au passage Bernadette, son épouse, qu’il côtoie au conseil général et qui ne tarit pas d’éloges à son endroit. Et puis, il quadrille toutes les provinces de France, multiplie les réunions devant de petits auditoires qui, flattés de se voir accorder autant d’importance, deviennent d’excellents vecteurs du bouche à oreille.
Facile à aborder et proche des gens, il cultive l’image d’un homme « normal », tout le contraire de cet « excité » de Nicolas Sarkozy et, surtout, d’un Strauss-Kahn tout pénétré de son importance sur la scène mondiale. Le message est clair : la « PME Hollande » contre la « multinationale DSK », le terroir contre les hautes sphères. La recette a déjà marché. Qu’on se souvienne de la « force tranquille » du Mitterrand bucolique de 1981, ou du « mangez des pommes » de Chirac, en 1995. Autre point commun avec ces vétérans victorieux, sa stratégie de coureur de fond. Il a choisi de mener une campagne longue et opiniâtre…
Deuxième enseignement tiré de l’expérience : les Français, qui avaient rêvé de rupture en 2007, sont déçus par le sarkozysme et ne croient plus aux miracles. Hollande a donc construit un programme « sérieux » et chiffré. Réforme fiscale pour dynamiser la croissance et instiller davantage de justice sociale, formation professionnelle, mesures en faveur des jeunes… En décembre 2010, il avait ironisé sur les propositions du PS concernant « l’égalité réelle », qui n’étaient pas chiffrées : « C’est la hotte du père Noël », avait-il lancé. À l’heure où les socialistes promettent de créer 300 000 emplois-jeunes et où, accident de la centrale japonaise de Fukushima oblige, Aubry a promis, tête baissée, de réduire la part du nucléaire dans la production énergétique française, Hollande se montre plus circonspect et fait le pari du réalisme… jusqu’à un certain point.
Stature présidentielle. Car l’homme est matois. Est-ce un hasard s’il a tiré les ficelles du PS pendant tant d’années ? Aujourd’hui, ces réseaux lui sont extrêmement utiles pour conforter sa position auprès des militants, qui seront, il ne cesse de le leur répéter, « des leaders d’opinion pour la primaire ». Afin d’accroître son capital sympathie auprès des notables locaux, il se prononce – démagogie tactique – contre l’interdiction du cumul des mandats préconisée par Aubry. Mais si, d’après un sondage récent, les Français le jugent plus crédible que cette dernière pour réduire la dette et les déficits et lutter contre l’insécurité, la partie de la primaire est encore loin d’être gagnée.
Et puis, au-delà, il y a le problème de sa stature présidentielle. Hollande n’a jamais été ministre et, voyageant très peu, reste largement inconnu à l’étranger. Il prévoit, dit-on, de se rendre en Grèce et, peut-être, en Tunisie, au Japon et au Vietnam. D’ici là, il s’apprête à publier un livre. Son titre ? Un destin pour la France. On s’en doutait.
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