Centrafrique : le dernier voyage de Patassé

L’ancien chef de l’État centrafricain s’est éteint, le 5 avril, à Douala (Cameroun). Il était arrivé en deuxième position à la présidentielle du 23 janvier.

Une bible à la main, le 21 janvier, lors d’un meeting à Bangui. © Baudouin Mouanda pour J.A.

Une bible à la main, le 21 janvier, lors d’un meeting à Bangui. © Baudouin Mouanda pour J.A.

Publié le 13 avril 2011 Lecture : 3 minutes.

Ange-Félix Patassé avait quitté Bangui le 2 avril, à bord d’un vol Kenya Airways. Il devait subir des soins pour son diabète dans une clinique de Malabo (Guinée équatoriale). Mais l’ancien président centrafricain n’est jamais arrivé à destination. Il est mort le 5 avril à Douala (Cameroun), où il avait fait escale trois jours plus tôt. Il avait 74 ans.

Le 21 janvier dernier, cet ancien ingénieur agronome, formé en France, paradait dans Bangui, le buste dépassant du toit ouvrant d’un Hummer. Le regard encore vif caché derrière de vieilles lunettes de soleil, affublé de son inséparable nœud papillon, il brandissait une bible devant une foule de partisans. C’était l’avant-veille de la présidentielle, à laquelle il était candidat. Deux fois élu chef de l’État – en 1993 et en 1999 –, il arrivera en deuxième position, avec 20,1 % des voix, face au président sortant, François Bozizé, vainqueur dès le premier tour d’une élection dont les conditions ont été contestées par l’opposition et critiquées par les observateurs.

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Exil au Togo. Les deux hommes étaient de vieux adversaires : le 15 mars 2003, le général Bozizé, alors chef d’état-major, renversait Patassé après une longue rébellion. Ayant « rencontré Dieu » pendant cinq années d’un exil au Togo d’où il était rentré en décembre 2008, Patassé confiait à Jeune Afrique, le 24 janvier : « Bozizé est mon petit frère, je prêche la repentance et la réconciliation. »

Méfiant, François Bozizé aura empêché à plusieurs reprises l’ancien chef de l’État d’aller se faire soigner en Guinée équatoriale. Le 2 avril, la pression populaire et diplomatique – notamment celle du président congolais (Brazzaville) Denis Sassou Nguesso – a finalement eu raison de son obstination. La famille de Patassé refuse néanmoins l’organisation d’obsèques nationales.

Né à Paoua, dans le nord-ouest du pays, en 1937, Patassé entre en politique sous Jean-Bedel Bokassa. Ministre du Développement rural, puis du Tourisme, il est nommé Premier ministre en décembre 1976. À ce poste, il organise le sacre de l’empereur, un an plus tard. Mais en 1979, il se retournera contre ce dernier en créant un parti d’opposition, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC). Bokassa est débarqué par la France lors de l’opération Barracuda la même année. En 1982, le chef du MLPC tente de renverser le chef de l’État, André Kolingba. Ses compagnons d’armes sont alors deux généraux, François Bozizé et Alphonse Mbaïkoua. Tandis que le premier se réfugie au Tchad et le second dans son village natal, Patassé, vêtu d’un large boubou, se présente à l’ambassade de France qui, à l’époque, tire les ficelles à Bangui. Protégeant Kolingba, l’ancienne puissance coloniale est embarrassée. Sa solution : un exil de Patassé au Togo – déjà.

Accents mystiques. L’« Ange » reviendra dans le jeu politique avec le multipartisme. Il remporte la présidentielle de 1993, considérée comme démocratique, une première depuis l’indépendance. La suite est moins rose. Elle est marquée par des mutineries à répétition, un tribalisme exacerbé – au sein de sa garde notamment, dominée par sa famille ethnique – et de nombreuses tentatives de coups d’État. Les crimes des troupes du Congolais Jean-Pierre Bemba, qu’il appelle à la rescousse fin 2002, entacheront aussi son image. Les avocats de Bemba, actuellement jugé par la Cour pénale internationale, ont souvent réclamé la comparution de Patassé. À Bangui et dans son fief, il reste cependant populaire.

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D’éducation catholique, Patassé était rentré évangélique de son exil togolais. Arguant de sa stature d’homme d’État et d’expérience, il cherchait à se placer au-dessus de la mêlée. Dans des discours aux accents mystiques, il citait la Bible, promettait des miracles et assurait que la Centrafrique était « bénie des dieux ».

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